18 avril 2014

Le Week-end (Un week-end à Paris) ***

Pour célébrer leurs trente ans de mariage, Nick et Meg (magnifiques Jim Broadent et Lindsey Duncan) retournent à Paris où ils avaient passé jadis leur lune de miel. Très rapidement leur périple romantique tourne aux remises en question…

Réalisateur : Roger Michell | Dans les salles du Québec le 18 Avril (TVA Films)

Si on voulait être méchant, on pourrait dire qu’Un Week-end à Paris est le film que Woody Allen ne sait (peut) plus faire, tant sa description du couple a sombré dans la caricature ces dernières années. On lui préfère ces jours-ci la justesse de Roger Michell (Notting Hill) qui, aidé de l’écrivain et scénariste Hanif Kureishi (Intimité de Patrice Chéreau), pose ici un regard plein de tendresse, à la fois drôle et cruel sur un couple d’intellectuels à l’aube de leur retraite, loin de leur grise Angleterre, tentant comme ils peuvent de réanimer la flamme de leur mariage après des décennies de vie conjugale.
Entamé sur une suite de scènes carte postale assez drôles de la ville lumière détaillant les (més)aventures touristiques de ses protagonistes, Le Week-end dévoile vite son humeur mélancolique. Paris, loin du romantisme qu’elle promettait et de la nostalgie qu’elle incarne, se change en décor à angoisses et événements houleux. Les instants, nombreux, de comédie cèdent à d’autres plus dramatiques où s’invitent les confrontations, les accusations d’infidélité, les aveux et l’aigreur de chacun longtemps refoulée.
Comment transgresser le confort et la routine de 30 ans de mariage? Comment profiter du monde qui avance trop vite (cette retraite presque obligée à laquelle Nick doit se soumettre), quand nous sommes dans la soixantaine fragilisés par le temps qui a passé, les désillusions de l’âge? Ces questions, parmi tant d’autres, Michell les pose de front, sans faux-semblants. Au plus près de ses personnages, dont il suit le périple avec une attention particulièrement sentie. Des fois il lui suffit de très peu pour brasser cette intériorité en émoi; un long silence inconfortable, une étreinte complice sur le balcon dans la nuit ou ce refrain de l’idole Dylan qui prend un tout autre sens pour Nick. Mais peut-être la plus fondamentale de toutes ces questions reste aussi la plus complexe: Comment continuer à s’aimer, comment réinventer la légèreté, la passion et l’insouciance d’antan? Sans aucune mièvrerie, le film allie ces questionnements dans un mélange de comédie et de mélancolie parfaitement dosé. Au détour d’une scène, Nick lâche une réplique, non dépourvue de noirceur, qui pourrait à elle-seule résumer tout le propos du film; « impossible d’aimer une personne sans la haïr ». À la fin, portés par un doux parfum de nostalgie godardienne, alors qu’ils s’affairent à exécuter la célèbre danse improvisée de Bande à part autour d’un juke-box anachronique, Nick et Meg semblent vraiment y croire – le spectateur aussi−, renouant brièvement avec leur insouciance d’antan… Pour rendre justice au film et à ses protagonistes, on l’aurait bien retitré Enduring Love si le même Michell ne l’avait pas déjà trouvé pour un de ses précédents opus.
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