18 octobre 2014

FNC 2014: Near Death Experience (NDE) ***½

Réalisateurs: Benoît Delépine et Gustave Kervern

Benoît Delépine et Gustave Kervern sont de retour avec Near Death Experience. Comme à leur habitude, ils en profitent pour porter à nouveau un regard sur notre société trop cruelle et avilissante, mais ils prennent un petit risque en décidant de ne centrer leur film que sur un personnage (ou presque… s’il ne filment que des parties du corps des collègues ou de la famille du héros, deux personnages se verront accorder un peu plus de place, aussi bien sur l’écran que dans l’évolution du récit). Pour incarner cet un homme dépressif qui part dans la montagne avec l'envie d'en finir, les réalisateurs font appel à un acteur qui n'en est pas un: l’écrivain Michel Houellebecq (déjà vu au FNC cette année dans le très bon L’enlèvement de Michel Houellebecq).
On pourra reprocher au film d’être répétitif, de faire du sur place, d’être vide. Ce n’est pas toujours faux, mais c’est probablement également assez logique: il s’agit du sujet du film! NDE est donc un peu à l’image de la vie du personnage principal. Heureusement tout de même, pour nous éviter un insondable ennui, Kervern et Delépine ont la bonne idée d’insuffler à NDE des petites touches d'humour très sombres et souvent très drôles. Cela nous permet dans un premier temps de ne pas décrocher, mais cela renforce également paradoxalement le tragique de la situation (le parcours dépressif d’un personnage qui, comme il le dit d’ailleurs lui même, est déjà mort depuis le début du film… et probablement depuis bien plus longtemps). Pour donner (non-)vie à ce personnage, il n'aurait probablement pas été possible de trouver mieux que Michel Houellebecq: corps chétif, doigts jaunis (noircis?) par le tabac, visage ravagé par l'alcool, yeux presque éteint, il porte en lui toute la détresse d'un homme devenu «obsolète» (pour reprendre son propre terme) dans un monde qui ne lui correspond plus! Les monologues récurrents, très bien écrits, sont de surcroît magnifiquement servis par un phrasé maladroit mais touchant.
Malheureusement, la volonté de filmer vite a poussé Kervern et Delépine à bâcler quelques plans. Certains sont certes très réussis visuellement ou regorgent de bonnes idées (un homme en apesanteur, évoluant sur la terre comme sur une planète qui n’est pas la sienne), mais d'autres sont catastrophiques (des gros plans pas assez stables sur visage de Houellebecq). Ainsi, au lieu de faire face à un visage terrifiant de désespoir, nous ne faisons que ressentir l’agitation excessive d’une caméra maladroite. Cela n’aurait pu être qu’un détail technique… l’effet finit malheureusement par nuire grandement à notre perception du personnage.
Sans ce défaut, le film aurait très probablement été plus réussi. Cela ne nous empêchera tout de même pas de reconnaître que ce voyage en compagnie d’un homme dont la seule envie est d'en finir ne nous laisse pas indifférent! Le savant dosage entre l’humour noir et le mal-être existentiel trouvé par les deux réalisateur fait mouche et semble plus que jamais correspondre au message qu’ils véhiculent de film en film: et si la seule façon de faire face à la cruauté du monde, c’était d’en rire? (au moins un peu…)
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