5 février 2015

Achtung Film! : Chemin de croix (Kreuzweg) ***½

Jeudi 5 février à 19h à l’Excentris, le Goethe-Institut Montréal nous propose une projection unique du film de Dietrich Brüggemann, récompensé par l’Ours d’argent du meilleur scénario lors du dernier festival de Berlin.
En prenant comme point de départ l’histoire d’une adolescente qui est prête à sacrifier sa vie pour sauver son frère malade et devenir une sainte, le réalisateur se livre à un exercice qui aurait pu être particulièrement périlleux à différents points de vue (symbolique, conceptuel et idéologique). Si le résultat n’est pas complètement irréprochable, Chemin de croix est toutefois particulièrement réussi.
D’un point de vue symbolique, Brüggemann semble ne pas avoir froid aux yeux puisque le film est composé de 14 chapitres ayant pour titre les 14 stations du chemin de croix catholique. Non seulement cela permet d’éviter un faux suspens qui aurait pu être malsain (nous savons d'emblée que la jeune femme, comme le Christ à l’issue de son chemin de croix, va mourir) mais surtout, l’idée est totalement en phase avec la conception religieuse de la jeune héroïne (Lea van Acken, plus que parfaite). Elle tient d’ailleurs d’autant mieux la route qu’elle est associée à un concept parfaitement maîtrisé.
D’un point de vue conceptuel, il faut en effet préciser que les 14 scènes du films sont des plans séquences majoritairement fixes. L’idée d’enfermement induite par l'immobilité du cadre est parfaitement restituée, d’autant plus que les mouvements du personnage principal sont toujours associés à l’impératif de rester dans le cadre (à prendre aussi bien au sens cinématographique que moral). Malheureusement, les très rares fois où le réalisateur propose un mouvement de caméra, il lui donne un excès de sens qui nous semble particulièrement maladroit (citons par exemple le panoramique qui accompagne la mort ou l’envolée finale). De plus, une telle structure tend à faire ressortir les faiblesses des rares scènes plus faibles, ce qui crée alors un déséquilibre assez fâcheux!
D’un point de vue idéologique, la proposition de Dietrich Brüggemann est également très risquée. Le film aurait pu être une attaque en règle un peu simpliste de l’Église catholique. En réalité, ce sont surtout les dérives intégristes des religions qui sont montrées du doigt: non seulement l’Église catholique n’est pas condamnée de manière aveugle (la fille au pair française présente même l’image positive d’une jeune femme à la fois pratiquante, ouverte et très épanouie) mais certains excès ne sont pas sans rappeler des dérives venant d’autres formes de fondamentalisme. C’est donc bien lui qui est attaqué, d’où qu’il vienne!
Nous comprenons que certains puissent avoir envie de faire au film d'autres reproches, notamment liés au manque de réalisme dans la représentation trop figée des protagonistes. Cela se fera sans nous! La qualité de la direction d’acteurs (expressions faciales et corporelles) et des dialogues rend ce ballet de corps (et d'âmes) figés assez impressionnant.
À n’en pas douter, avec cette belle réflexion sur la foi, Dietrich Brüggemann est passé très près d’un très grand film! 
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