31 juillet 2015

La prochaine fois je viserai le cœur ***

France, 1978 / 1979. Alain Lamarre (Guillaume Canet) est un gendarme doublé d’un tueur en série qui terrorise les habitants de l’Oise en assassinant froidement plusieurs jeunes femmes.

Réalisateur : Cédric Anger| Dans les salles du Québec le 31 juillet 2015 (AZ Films)

C’est une plongée dans la psyché d’un tueur compulsif que nous propose Cédric Anger avec ce portrait intimiste d’Alain Lamarre, gendarme apprécié de ses collègues mais qui se trouvait être en réalité le meurtrier que toute sa division tentait d’attraper depuis des mois. Son audace est d’ailleurs déconcertante: sans sourciller, il peut interroger une survivante de sa propre agression et faire du porte à porte avec un portrait-robot qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, persuadé que la frontière entre ses deux identités est si étanche que tout le monde n’y verra que du feu.
Cédric Anger s’emploie à décrire le quotidien de ce psychopathe dont la routine est constituée d’habitudes obsessives-compulsives et de contradictions. Il se lave à l’eau bouillante par peur des microbes, mais son appartement est une vraie porcherie. Il tue froidement durant ses jours de congés, mais n’hésite pas à réprimander un collègue qui démoralise les troupes face à l’enquête. Lamarre sait qu’il se fera prendre tôt ou tard et c’est précisément ce qu’il espère. En attendant, il s’automutile et prépare soigneusement ses coups.
Rarement a-t-on vu un esprit tordu décrit avec autant d’humanité au cinéma. Le mérite en revient à Guillaume Canet qui incarne un personnage au regard éteint, en proie à un sentiment d’infériorité qu’il compense avec un surplus de rigidité. Le besoin de tuer monte en lui tout doucement, comme une bouffée d’émotion inespérée... et la machine se met en branle, comme si la tentation était trop forte.
Cette approche intimiste n’est toutefois pas sans faille. On aurait aimé en savoir davantage sur l’enquête qui se déroule en parallèle au lieu de suivre inlassablement le personnage dont le quotidien est fait de routine. Cette répétition peut devenir agaçante, quoi que fort éclairante sur la nature profonde de cet homme brisé.
Grâce à une réalisation sobre mais soignée, Cédric Anger dresse le portrait saisissant d’un tueur aux multiples visages.
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