28 juillet 2015

Fantasia 2015: Shrew’s Nest (Musarañas) ***½

Réalisateurs: Juanfer Andrés et Esteban Roel

Le cinéma de genre espagnol nous livre régulièrement des films de qualité. Nous sommes donc toujours à l'affût lorsqu’un nouveau réalisateur apparaît dans son paysage cinématographique. Avec Musarañas, non seulement nous avons droit à deux metteurs en scène (ce qui ne présente pas en soit un intérêt majeur), mais surtout, leur premier film est produit par Alex de la Iglesia, que l’on aime particulièrement (occasion rêvée pour nous de rappeler que Balada triste de trompeta / The Last Circus, est à voir absolument!).
Si les élèves reprennent ici en partie certains des éléments caractéristiques de l’oeuvre du maître, il prennent également soin de ne pas pousser les excès vers trop de folie iglesienne et évitent ainsi de s’exposer à une comparaison qui pourrait leur être fatale.
Leur film débute comme un huis-clos psychologique fortement teinté d’humour noir et permet aux deux réalisateurs de témoigner de leur savoir-faire, avant d’entrer progressivement dans autre chose. Non seulement le personnage de la grande sœur devient de plus en plus intéressant (son impossibilité à donner l’amour sans entraver l’autre étant annonciateur de son passé)... mais lorsque les traumatismes familiaux enfouis se font connaître après un carnage proche du grand guignol (parfaitement exécuté), elle laisse apparaître une vraie souffrance particulièrement émouvante.
La manière dont les réalisateurs ont su conduire le spectateur vers une boucherie annoncée est remarquable, mais l’effet de ce carnage l’est tout autant. Il permet en effet à l’héroïne de crever un abcès qui finissait par la détruire de l’intérieur. Sa révélation, il est vrai assez convenue, prend alors une dimension dramatique très inattendue après tant de gore pour rire (litres de sang, membres mutilés et tête coupée). Si la scène explicative finale est magnifique et particulièrement émouvante, elle le doit en grande partie à l’interprétation de Macarena Gómez, qui joue la maladie mentale avec une finesse exceptionnelle. Durant tout le film, elle parvenait à éveiller chez le spectateur plusieurs sentiments contradictoires en une même seconde (passage du rire à l'apitoiement en un battement de cil). En fin de parcours, elle fait ressortir d’un bloc toute les souffrances qui ont poussé son personnage vers la folie. Grâce à elle, le film prend lui aussi une tout autre dimension. Ses réalisateurs semblent avoir compris qu’on peut s’amuser de tout, mais qu’on ne le fait pas obligatoirement pour rien! Et surtout pas n’importe comment!
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