13 octobre 2016

FNC 2016: The End ***½

(Réalisateur: Guillaume Nicloux)

Avec The End, Guillaume Nicloux reprend certains éléments de Valley Of Love (Depardieu, un lieu désertique et envoûtant), mais fait un pas de plus vers une certaine forme de radicalité. Ici, le fil narratif est en effet réduit à sa plus simple expression (un homme part chasser en forêt avec son chien, perd son chien et se perd lui-même).
Cependant, la grande force de Nicloux est de ne pas jouer avec trop de facilité la carte du cauchemar: si certains éléments laissent peu de doute sur ce qu’est en train de vivre le personnage, le réalisateur et son chef opérateur (Christophe Offenstein) donnent à cette forêt des allures tout à fait quelconques, voire rassurantes (elle est très lumineuse et globalement peu dense, on y trouve une grotte pour passer la nuit, etc.), malgré quelques éléments qui la rendent indubitablement irréelle (la présence de scorpions, l’apparition soudaine d’un point d’eau, etc.). Cet univers à mi-chemin entre le réel et l’irréel contribue à fragiliser le héros (ce qu’il vit relève presque du possible). L’impact est d’ailleurs d'autant plus fort que Guillaume Nicloux a l’idée de convoquer un des géants (dans les deux sens du terme) du cinéma français pour lui demander de faire perdre pied à son personnage d’une manière aussi simple que touchante. Petit à petit, ce qui pourrait ressembler à un exercice de style (filmer un homme dans une forêt) devient grâce à la force de son interprétation un terrible miroir de nos angoisses d’avenir: se retrouver seul dans un monde que nous ne reconnaissons plus et dans lequel nous ne savons plus sur qui compter.
À la toute fin, The End prend même un autre sens, encore plus sombre et désespéré: le cauchemar n’était qu’une prise de conscience. Arrivé à un certain point de non-retour à la fois physique (dégradation du corps) et social (isolement extrême: au réveil de l’homme, que l’on savait déjà être veuf, on comprend que le chien dont il vient de rêver n’est en réalité plus de ce monde), la mort devient pour l’homme une issue envisageable, voire souhaitée.
Décidément, avec ses trois films récents qui mettent en scène des acteurs hors norme (Michel Houellebecq, Isabelle Huppert, Gérard Depardieu), Nicloux est devenu un cinéaste vraiment passionnant. Il prouve ici à ceux qui en douteraient qu’avec peu de moyens, un grand acteur et une parfaite maîtrise d’un scénario minimaliste (même si nous pensons que les monologues, pourtant très courts, sont de trop), un cinéaste de talent peut en dire beaucoup sur la vie en donnant l’impression de ne rien raconter!
L'avis de la rédaction :

Jean-Marie Lanlo: ***½
Martin Gignac: ***
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