Un professeur (Shahab Hosseini) tente de retrouver la personne qui s'est introduite dans sa demeure et qui a agressé son épouse (Taraneh Allidousti).
Réalisatrice : Asghar Farhadi | Dans les salles du Québec le 3 février 2017. (Entract Films)
Le cinéma d'Asghar Farhadi est le représentant idéal du chaos labyrinthique qui gangrène la société, les mœurs, les traditions et les unions. Très politisés en étant toujours axés sur l'individu qui multiplie les mauvaises décisions, ses scripts agrémentés de regard moral sont sans cesse parsemés de faux semblants, de pièges et de contradictions qui viennent modifier la perception du spectateur sur les personnages et les situations. Avec lui, il y est souvent question de regard et d'ambiguïté pour des hommes et de femmes qui interprètent les faits à leur façon. Ce style est devenu sa marque de commerce et séduit encore, même si les limites s'avèrent de plus en plus apparentes de film en film.
Comme dans son sublime Une séparation qui a révélé le réalisateur sur la scène mondiale (l'Oscar et l'Ours d'Or devaient aider), un incident va hanter un couple déjà fragilisé par un déménagement soudain. Il habitait en effet un logement qui a dû être évacué en raison de fissures provoquées par des constructions extérieures. Cette métaphore un peu trop pesante rappelle que la subtilité n'est pas toujours le point fort du cinéaste iranien. Ce qui l'intéresse plutôt est de confronter ses personnages et les pousser dans leurs retranchements. Le tout est accompagné ici d'un parallèle ingénieux avec le classique La vache de Darius Mehrjui et d'un transfert presque constant entre le réel et le théâtre, alors que les époux sont les vedettes de Death of a Salesman, la célèbre pièce d'Arthur Miller devenant pour l'occasion le reflet des affres du quotidien.
Récompensé à Cannes pour la richesse de son scénario et doté d'une mise en scène teintée d'habiles ellipses, le film fait un peu moins dans l'esbroufe que le précédent et excellent Le passé. Si le récit est assez imprévisible (on passe du film catastrophe avec le fabuleux plan séquence d'ouverture au drame de mœurs plus intimiste), il reste cependant avant tout un film d'acteurs. Quelle joie en effet de retrouver les vedettes d'À propos d'Elly du même Farhadi. Taraneh Allidousti est un véritable plaisir à voir jouer avec son visage rond unique et Shahab Hosseini en impose grâce à son charisme naturel. On le suit du début à la fin et sa performance intransigeante a d'ailleurs séduit avec raison le jury cannois.
Démarrant lentement avant d'atteinte sa vitesse de croisière et de filer à toute allure vers le thriller insoutenable, il est regrettable que Le client se termine sur une fausse note aussi navrante. Au sein d'un jeu de manipulations sur les notions de Bien et de Mal (et sous fond de vengeance et de pardon), les classes sociales en prennent pour leur rhume et le plus fort aura raison du plus faible. Le regard est un peu simpliste, même s'il n'est sans doute pas loin de la réalité. Malgré cette erreur de parcours, le long métrage est suffisamment riche pour qu'on veuille s'y aventurer.
L'avis de la rédaction :
Martin Gignac: ***½
Jean-Marie Lanlo: **½
Olivier Bouchard: ***
Pascal Grenier: ***½
Olivier Maltais: ***