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23 janvier 2023

★★★½ | Aucun ours / No Bears (Khers nist)

★★★½ | Aucun ours / No Bears (Khers nist)

Réalisation: Jafar Panahi | Dans les salles du Québec le 20 janvier 2023 (Enchanté Films)
Avec Aucun ours, le réalisateur de la nouvelle vague iranienne Jafar Panahi nous plonge dans deux histoires parallèles. La première est celle dont il est lui-même protagoniste en tant que réalisateur; la seconde est une histoire d’amour, celle du film dans le film qu’il dirige.
Panahi se met en scène en train de réaliser un film à distance. Ceci donne aux spectateurs la possibilité de comprendre sa situation de cinéaste dans un pays ou l’exercice de sa profession lui est interdit. Cela permet également à Panahi de se laisser embarquer dans une tragédie fictive dont il est l’instigateur en raison d’une photo qu’il aurait prise — la photo d’un couple de villageois ne respectant pas les traditions. Cette partie du film est à mettre en parallèle avec l’histoire du réalisateur qui vit dans un pays où la production des images vient souvent avec conséquences graves.
À travers ses acteurs et actrices, on devine un réalisateur qui utilise presque l’improvisation, pour un résultat teint d’un réalisme frappant. Les drames qu’il filme sont poignants, spécialement celui d’un couple qui désire partir en Europe clandestinement — la seconde histoire, celle du film dans le film. Panahi les dirige à distance en brouillant les frontières entre la fiction et le réel. La tirade de l’épouse apprenant que son mari n’obtient pas de faux passeport comme elle, est bouleversante. Poussée par le désespoir à l’idée de partir seule, la femme mettra fin à ses jours en se noyant dans la mer. Malgré une prise de vue magnifique sur la station balnéaire, on devine ici le parallèle avec tous les migrants qui meurent chaque semaine en mer sans jamais pouvoir se sauver de leur terre sans avenir.
Partant d’un drame personnel (le cinéaste, qui n’a plus le droit de tourner depuis plus de 12 ans, est contraint à la clandestinité), Panahi parvient avec ce film tourné dans des conditions précaires, à toucher à l’universel.

10 juin 2022

★★★★ | En route / Hit the Road (جاده خاکی)

★★★★ | En route / Hit the Road (جاده خاکی)

Réalisation: Panah Panahi | Dans les salles du Québec le 10 juin 2022 (EyeSteelFilm)
Panah Panahi est peut-être le fils de Jafar, mais si Hit the Road vous est proposé en salle, ce n'est pas en raison de l'admiration qu'ont de nombreux cinéphiles pour son père, mais bel et bien en raison des qualités que comporte son premier long métrage.
D'emblée pourtant, il caresse le spectateur à rebrousse-poil en lui imposant un gamin en apparence insupportable et capricieux qui ne sait que hurler. Comme le film se déroule en grande partie dans une voiture, le voyage commence mal... Pourtant, ce gamin est un des éléments essentiels du film. C'est lui qui offre le contraste avec son grand frère adulte, renfermé et apeuré par l'avenir qui l'attend (et qui est l'objet du voyage), c'est lui qui permet au père d'exacerber son côté ronchon mais sécurisant, c'est lui qui renforce le côté charismatique mais rongé par l'inquiétude de sa mère, c'est lui qui permet un lien privilégié avec leur chien moribond… et ça sera lui le centre d’attention, à la fin, d’une des plus belles scènes du film.
Petit à petit, à partir d'un point de départ incertain (où vont-ils exactement?), la cartographie des personnages se dessine, les liens qui unissent les membres de cette famille composée de personnalités très diverses se renforcent. Au film de famille, se substitue progressivement un film à l'apparence légère sur l'exil, mais aussi sur la peine, la tristesse, le chagrin, qui un jour ou l'autre viendra éprendre chacun de nous. Tour à tour traité avec décalage (l'humour pince-sans-rire est omniprésent), distance (certaines scènes filmées en plans si larges que les personnages ne sont que des formes lointaines), burlesque onirique (une discussion improbable autour de Batman sur fond de nuit étoilée), le véritable sujet du film est toujours abordé avec délicatesse... jusqu'à ces derniers moments magnifiques où la musique apparaît comme le moyen provisoire d'atténuation du chagrin (le visage de la mère, dans la voiture, magnifique!) avant de devenir le meilleur moyen de l'accepter (le fils, face caméra, à l'extérieur, sublime).
Alors non, Panah Panahi n'est pas que le fils de son père... il est un cinéaste que l'on a envie de revoir. Surtout, Hit the Road est un des plus beaux films de cette année. Un premier film d'une inventivité, d'une fantaisie, d'une justesse, d’une délicatesse et dune maîtrise impressionnantes ! À voir d'urgence.

20 janvier 2022

★★★½ | Un Héros (Ghahreman)

★★★½ | Un Héros (Ghahreman)

Réalisation: Asghar Farhadi | En VOD au Québec le 11 janvier 2022 (Amazon Prime Video)
Les créations d'Asghar Farhadi se suivent et se ressemblent. Les protagonistes pleins de bonne foi se font tous aspirer par les spirales implacables d'un système gangrené, d'une société déshumanisée où les règles sont impossibles à suivre sans se dérober.
Un héros (Grand prix à Cannes en 2021) ne fait pas exception, interrogeant la notion d'héroïsme à une époque complexe et ambiguë où la cupidité et les réseaux sociaux mènent le monde. En prison pour ne pas avoir épongé une dette, Rahim voit l'occasion de se racheter et de laver son nom en rendant une large somme d'or à son propriétaire. Le plan ne se déroule évidemment pas comme prévu…
Après son tiède Everybody Knows qui se déroulait en sol étranger, l'homme derrière le magnifique Une séparation retrouve ses repères en retournant chez lui. Construisant à nouveau son récit comme un suspense insoutenable, il propose un le long métrage qui électrocute les fondements d'une nation en troquant la subtilité pour l'efficacité. Le scénario riche de rebondissements fait fi d'invraisemblances tardives pour faire réagir, y arrivant aisément.
S'il n'y a rien de véritablement inédit sous le soleil et que son traitement pourrait paraître misanthrope, le créateur de l'oscarisé Le Client se démarque dans sa façon de développer son héros. Tout sourire, l'acteur Amir Jadidi laisse son charme naturel ressortir, finissant par manipuler son entourage comme le cinéaste manipule allègrement le cinéphile, multipliant de fausses joies en lui posant constamment des lapins.
Une certaine humanité transparaît pourtant à l'horizon, prenant la forme de l'honneur bafouée de Rahim et de son humiliation quotidienne. Face aux regards d'un fils bègue, il fera l'impossible pour ne pas boire complétement la tasse et bien paraître à ses yeux. Une moralité presque retrouvée pour une relation qui n'est pas sans rappeler celle, légendaire et universelle, qui s'établissait au cœur même du Voleur de bicyclette de Vittorio De Sica.
Même s'il utilise encore et toujours le même canevas pour transcrire les dédales d'une société qui finit par broyer ses individus, Asghar Farhadi s'affiche au sommet de son art, signant avec Un héros son film le plus réussi depuis Le Passé. À découvrir si possible en doublé avec l'Ours d'Or 2020, Le diable n'existe pas de Mohammed Rasoulof, pour se rappeler que tout ne tourne peut-être pas rond en Iran.

3 février 2017

29 juillet 2016

Fantasia 2016 : Under the Shadow ***½

Fantasia 2016 : Under the Shadow ***½

Réalisé par Babak Anvari

En tant que film d’horreur, Under the Shadow prend son temps avant de placer son jeu. Se déroulant à Téhéran durant la guerre Iran-Irak, ancré dans la réalité sociale des femmes, le premier long-métrage de Babak Anvari se veut aussi bien une représentation du milieu qu’un conte horrifique.