9 août 2018

★★★½ | BlacKkKlansman (Opération infiltration)

Réalisé par Spike Lee | Dans les salles du Québec le 10 août 2018 (Universal)
Avec BlacKkKlansman (Grand Prix du jury lors du dernier festival de Cannes), Spike Lee nous propose de retourner dans les États-Unis des années 1970 pour mieux constater que les problèmes d’inégalités raciales sont toujours bien présents près d’un demi-siècle plus tard. Pour étayer son constat, il opte pour une approche flirtant avec la comédie et prend bien soin d’éviter d’être trop polémique, et donc de provoquer des tensions au lieu de les apaiser. Le mode léger pour lequel il a opté facilite sa démarche. Non seulement en effet il nous montre une intégration presque idyllique d’un policier noir dans un service de police jusqu’ici 100% blanc (le seul policier raciste sera vite confondu), mais il prend aussi soin de ne pas faire des membres du KKK ce qu’ils sont réellement. Ils sont en effet dans son film plus benêts que vraiment méchants… et d’ailleurs presque sympathiques. Lee poursuit cette même logique pour l’ensemble de son travail d’écriture. Si le film est techniquement irréprochable, l’écriture semble beaucoup plus insouciante que rigoureuse, et de nombreuses incohérences marquent la progression du récit. Mais elles sont si omniprésentes qu’elles sont forcément assumées… et elles représentent paradoxalement une force. Elles désamorcent en effet constamment toute la violence sociale du film et empêchent ce dernier de basculer vers un radicalisme trop virulent. En passant son message sur un mode léger, Lee a probablement plus de chances de toucher une cible plus ou moins conquise d’avance.
On pourrait alors reprocher au cinéaste de ne pas prendre son sujet à bras le corps, mais la fin nous interdit de formuler un tel constat. Lee y ose en effet une pratique souvent maladroite (intégrer des images d’archives avant le générique), mais pour une fois, la pratique fonctionne: ces images d’actualités récentes, et avec elles son constat que la situation raciale aux États-Unis est toujours aussi problématique, viennent contrebalancer le ton léger du film pour nous envoyer une réalité en pleine face et nous dire que si tout est possible dans une fiction (notamment s’amuser de problèmes qui finiront par se résoudre à la fin), la réalité est tout autre.
Ce constat amer donne à rebours encore plus de force au reste du film, qui avait préparé le terrain sur un mode léger en prenant soin de ne surtout pas trop exacerber certaines tensions… pour aider les dernières minutes à faire mouche avec encore plus de force.
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