9 novembre 2018

★★★ | Nos batailles

Réalisé par Guillaume Senez | Dans les salles du Québec le 9 novembre 2018 (Axia)
Olivier, interprété par Romain Duris, doit recomposer avec ses responsabilités au sein du syndicat de sa compagnie alors que sa conjointe s’enfuit, le laissant avec seul avec leurs deux enfants, sans avertir. Nos batailles, deuxième long de Guillaume Senez, s’établit comme film social mais trouve son identité dans l’intersection entre celui-ci et le drame familial.
La forme est typique : cadrages simples et montage invisible qui contribuent à laisser tout l’espace aux acteurs et à leur improvisation. Le film entend explorer comment l’exploitation de la classe moyenne devient un facteur dominant dans l’érosion de la cellule familiale. L’approche n’est certainement pas nouvelle, mais Senez en fait le cœur de son œuvre.
Sa démarche n’est toutefois pas sans défaut. La mère rapidement écartée du récit, le conflit familial n’est évoqué que dans les non-dits. La retenue est bienvenue, mais Romain Duris est alors laissé avec le beau rôle. En père surpassé, qui trouve le moyen d’être misérable et honorable d’un même geste, les échecs du personnage ne sont présentés que pour mettre l’emphase sur la difficulté de sa situation. Il ne semble exister que pour le conflit entre son travail et sa famille, et si la performance de l’acteur n’est pas en faute, Senez empêche le personnage d’atteindre sa pleine profondeur en le limitant à son épreuve.
Senez n’est pas parfaitement transparent dans sa façon de montrer les enfants à l’écran. Il réussit à sortir des performances crédibles des deux jeunes acteurs, ce qui est déjà un accomplissement considérable, mais plusieurs de leurs interactions forcent l’affect. Certaines scènes ont un aspect voyeuriste, le cinéaste cherchant à tout prix à provoquer chez le spectateur un sentiment d’empathie pour cette famille engluée dans une situation insoutenable.
Malgré toutes ses fautes, Nos batailles réussit à communiquer avec puissance comment la précarité d’emploi a des effets ravageurs sur la vie personnelle, les deux éléments ne sont pas traités comme des entités disparates et le film angoisse, cultivant une incertitude constante face au futur sur ces deux niveaux. Senez se permet aussi de déroger avec intelligence aux codes du cinéma social par quelques fulgurances et, du même coup, évite de faire de son film un misérable exercice de pitié. Le film n’est pas sans recherche d’affect forcée ou facile, mais le cinéaste trouve dans son conflit central une inquiétude évocatrice et bien réelle qu’il est impossible d’ignorer.
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