25 février 2021

★★★ | Deux

Réalisation: Filippo Meneghetti | Disponible en VSD au Québec à partir du 5 février, et en salle à partir du 25 février 2021 (Métropole Films Distribution)
Deux, premier long métrage du réalisateur Filippo Meneghetti, aura l’honneur de représenter la France aux prochains Oscar. Également récipiendaire de deux Prix Lumière (dont celui de la meilleure première œuvre), le film arrive maintenant en VSD au Québec.
Très rapidement, Deux attire l’attention par son esthétique qui se rapproche de celle du thriller: la photo assez sombre d’Aurélien Marra évoque en effet instantanément ce genre. À l’évidence délibéré, le choix est confirmé durant tout le film par certains aspects de mise en scène (le plan de la femme qui rend visite, le soir, aux enfants de sa maitresse, par exemple) ou/et de scénario (les visites nocturnes dans l’appartement d’en face, pour ne citer qu’elles). En raison de cet univers, le spectateur qui assiste à cette histoire d’amour entre deux femmes âgées ressent le poids d’une fatalité: les choses ne se passeront pas simplement, et ce lesbianisme du troisième âge ne se fera à l’évidence pas sans heurts, ce que confirme vite la suite. Même en apparence ouverte d’esprit, une fille d’une quarantaine d’années n’accepte pas si facilement le fait que sa mère aime une autre femme, et cela en cachette depuis des décennies.
Le sujet, qui fut probablement tabou par le passé, a indéniablement sa place à notre époque, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir. La volonté du cinéaste de faire glisser son cinéma vers le cinéma de genre pour aborder un sujet social, même si Meneghetti n’est pas le premier à le faire, est également réjouissante. Il lui permet d’éviter certains pièges du drame en attirant l’attention vers d’autres enjeux, ce qu’il parvient à faire. Malheureusement, il pousse le bouchon un peu trop loin. En grossissant certains traits (pour ne retenir que l’exemple le plus flagrant, les relations avec la garde-malade, de la destruction de la voiture à la séance d’intimidation et de saccage de l’appartement), le cinéaste jette un si gros voile sur son drame humain qu’il finit par étouffer totalement son enjeu sociétal (l’histoire d’amour contrariée par la maladie de la femme aimée et par l’étroitesse d’esprit de la société).
Cette ambition mal maitrisée est regrettable car l’idée n’était pas mauvaise et le cinéaste ne manque pas de talent (il sait filmer et diriger ses actrices et acteurs, créer un univers singulier, prendre des risques).
Le film demeure à voir pour toutes ces raisons, et malgré ses faiblesses. De son côté, Filippo Meneghetti fait indéniablement son apparition sur la longue liste des cinéastes à suivre de près !
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