6 mai 2021

★★★★ | Nulle trace


Réalisation: Simon Lavoie | Dans les salles du Québec le 6 mai 2021 (K Films Amérique)

Simon Lavoie
est un cinéaste aussi atypique que passionnant. Sa carrière prouve à l’évidence qu’il n’a pas peur de prendre des risques, quitte parfois à paraître prétentieux (voire à l’être réellement lorsqu’il se prend les pieds dans son ambition). Comme par le passé, son nouveau film pourra en déstabiliser plus d’un·e. Prévenons-les: l’histoire de Nulle Trace pourrait se résumer à ces quelques lignes, voire quelques mots, que l’on volera au dossier de presse («En un futur troublé, une contrebandière taciturne et une jeune étrangère cheminent vers leur destin»). Les dialogues ne sont guère plus étoffés, mais cela n’empêche pas le film de posséder des atouts énormes. Il y a d’abord ses images sublimes filmées dans un troublant noir et blanc infra-rouge qui donne aux visages des deux héroïnes des allures irréelles (comme si ces femmes étaient malgré les apparences déjà unies par une mort en sursis) et aux feuilles des arbres des tons blanchâtres (comme si un cataclysme les avait décolorées).
Mais il y a surtout les émotions que ces images suscitent, et la force avec laquelle Lavoie parvient à dépeindre les doutes qui s’installent sur la manière de voir le monde lorsqu’il s’écroule. Le film pourrait être complexe et aborder frontalement de nombreux thème, mais il est en réalité réduit à l’épure, gomme le superflu, laisse le spectateur ressentir, juger et finalement comprendre que lorsque tout s’écroule, la seule certitude, plus que jamais, n’est autre que la mort, irrémédiable, inévitable... mais peut-être pas si douloureuse que cela. Car sans en avoir l’air, c’est bien là que nous conduit Lavoie: vers ce questionnement sur la mort. Et à travers elle, c’est le rapport à la foi que le film interroge, sans imposer le moindre point de vue, en laissant chacun libre de conclusions qui pourraient être contradictoires.
Nulle trace n’est jamais bien loin du chef d’œuvre, et pourtant, le sens de l’épure (dialogue, enjeux, décors, intrigue) rend le spectateur particulièrement exigeant. Peut-être à cause de cela, une petite afféterie ou un plan un peu trop explicatif prend des proportions considérables. Cela nuit à l’impression finale, car on aurait voulu que le film reste durant toute sa longueur aussi parfait et aussi mystérieux que dans sa première demi-heure. Il ne l’est pas totalement.
Mais ses failles, infimes, ne seraient-elles pas paradoxalement ce qui le rend encore plus beau, plus touchant, car plus vulnérable?
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