14 mai 2021

★★★½ | Hygiène sociale

Réalisation: Denis Côté | Dans les salles du Québec le 14 mai 2021

Même s'il est toujours question de nature et d'êtres marginaux à côté de la vie, Denis Côté se plaît à ne jamais faire le même film, alternant entre des projets plus «conventionnels» et des objets laboratoires à micro budget tournés en quelques jours seulement. C'est dans cette dernière catégorie que se classe Hygiène sociale, un de ses essais les plus originaux et libres en carrière.
Récompensée plus tôt cette année à Berlin, cette création hors norme est l'antidote parfait à la pandémie. Il s'agit d'une farce ludique et philosophique sur un voleur qui a maille à partir avec son entourage, la société et, surtout, sa propre existence. Le charme intemporel et anachronique du récit évoque les contes grecs et les saynètes de Marivaux. Les dialogues fondent littéralement dans la bouche, rappelant que son auteur peut être bon avec les mots, livrant des phrases savoureuses comme « J'aime bien tuer le temps; j'assassine aussi toutes mes nuits. » Mais contrairement à ce qu’il faisait dans Boris sans Béatrice, il agit ici sans prétention ni pédanterie, amusant beaucoup au passage tout en se dévoilant, même si l'ensemble n'apparaît pas particulièrement profond ou subtil.
Le tout aurait certainement été différent sans la présence de Maxim Gaudette. Peu importe si son personnage relève de l'archétype car l'acteur transcende l'écran de sa présence et de son charisme, alternant avec délectation entre différents niveaux de langage. Les comédiens déclament leur texte comme au théâtre et c'est justement cette scène qui sera reproduite — et détruite au passage — en plein air. Une barrière invisible sépare les êtres statiques et solitaires, incapables de bien communiquer ensemble — une ironie alors que le verbiage est roi — et qui est exprimé par leur distanciation physique et sociale.
Construit comme une succession d'élégants longs plans fixes extrêmement soignés visuellement, Hygiène sociale semble prendre un malin plaisir à étirer le temps. Pas tant pour concurrencer les maîtres du slow cinema (au contraire, on est ici plus près d'un Roy Andersson que d'un Tsai Ming-liang) que pour expérimenter avec légèreté pendant 75 minutes. L'enrobage sonore très travaillé n'est également jamais loin de la farce (avec ces corbeaux qui semblent constamment se moquer de ce qui est dit) et fidèle à son habitude, le cinéaste sabote son propre travail en y intégrant une succession de plans rapides et un ton qui devient plus ambigu. Contre toutes attentes, la cohérence est de mise, particulièrement lorsque les corps peuvent s'exprimer sur une mélodie contagieuse de Lebanon Hanover.
Denis Côté offre ainsi avec son 13e long métrage l'œuvre idéale pour oublier la pandémie et accueillir la saison estivale à bras ouverts. Qui eut cru que l'auteur de Curling allait offrir un jour le film québécois le plus drôle des dernières années ?
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