28 avril 2023

★★★★ | Tommy Guns (Nação Valente)

Réalisation : Carlos Conceição | Dans les salles du Québec le 28 avril 2023 (Cinéma du Parc)
L’intrigue de Nação Valente débute en Angola en 1974, un an avant l’indépendance du pays. Par petites touches, elle suit différents personnages, ou plutôt des petits moments de vies perturbées à leur manière par les tensions qui règnent dans le pays. En s’appuyant sur un rythme lent, magnifiquement maîtrisé, et une photographie sublime (signée Vasco Viana), Carlos Conceição filme les corps, les peurs, les folies, la fragilité de la vie, mais également la nature, la terre, et ce lien puissant qui l’unit à ceux qui y vivent. (Ce dernier aspect, très présent dès le début du film, prendra encore plus de sens vers la fin.)
Après une demi-heure, le titre du film apparaît (« Nation courageuse », en français). Son arrivée tardive peut surprendre, mais elle marque en réalité une rupture que le spectateur comprendra progressivement. Certains indices, cependant, lui mettront dès le début la puce à l’oreille, avec une multitude d’éléments improbables que le réalisateur parvient à rendre plausibles (des relations trop fraternelles entre soldats, un officier supérieur trop gradé pour commander une petite poignée d’hommes, des apparitions nocturnes trop troublantes pour n’être qu’anodines). La force du cinéaste est de nous entraîner avec lui dans ce monde incertain, qui semble celui du rêve, à moins qu’il ne soit celui de la folie des (ou d’un ?) homme(s). Mais au-delà de la facilité avec laquelle Carlos Conceição rend plausible l’improbable, la force de son film est de nous parler de décolonisation, de déracinement, de spoliation, de folie meurtrière, mais également du besoin de réconciliation, malgré le passé, malgré les tensions, malgré la violence, malgré les excès. Pour cela, le cinéaste a recours aux symboles ou aux l’allégories, de manière toujours intelligente et foisonnante. Chaque élément est porteur d’un sens jamais imposé au spectateur, qui aura la possibilité de visionner le film comme s’il s’agissait d’un rêve… ou d’en faire une analyse d’une grande richesse, aux allures de réflexion postcoloniale, selon son bon vouloir.
À ne manquer sous aucun prétexte… en salle, évidemment !
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