21 avril 2023

★★★★ | Beau Is Afraid (Beau a peur)

Réalisation: Ari ASter | Dans les salles du Québec le 21 avril 2023 (SPHÈRE Films)
Après deux premiers longs métrages qui nous avaient séduits par leur mise en scène mais un peu refroidis par des scénarios plus ambitieux que maîtrisés, Ari Aster nous revient enfin avec une œuvre réellement convaincante.
D’emblée, le cinéaste nous place aux côtés de Beau, dont la santé mentale n’est pas des plus enviables. À l’évidence, des troubles paranoïaques l’empêchent de vivre une vie épanouie. La bonne idée d’Aster est de nous montrer dans la première partie du film le monde d’après la perspective de Beau, tout en le rendant le plus réaliste possible (pas de grands angles marquant la déformation de la réalité ou d’effets de montage excessifs traduisant les pensées perturbées du héros). Le cauchemar éveillé et paranoïaque que vit Beau est donc parfaitement plausible visuellement (même si de plus en plus improbables dans les faits). Cet aspect, associé à un rythme particulièrement soutenu, ne laisse pas d’autre choix au spectateur que de se laisser entraîner aux côtés du personnage incarné par Joaquin Phoenix, comme si son monde torturé était également le nôtre.
Une fois cette étape parfaitement accomplie, Aster peut alors se permettre de le laisser s’égarer dans des mondes multiples (des souvenirs aux mondes parallèles de plus en plus improbables mais pourtant toujours en parfaire cohérence avec l’expérience proposée). Commence alors un voyage freudien et tragicomique époustouflant qui permet au cinéaste de confirmer son talent de faiseur d’images tout en nous faisant revenir sur l’opinion que nous nous faisions de lui. Il n’a en effet pas besoin d’un collaborateur à l’écriture pour élaborer un scénario lui permettant de donner libre cours à son talent (lire notre minicritique de Midsommar). Reste à savoir si ce voyage au pays des mères toxiques sera le point de départ d’une œuvre majeure ou un feu de paille pour ce cinéaste qui jouissait après ses deux premiers films d’un statut qu’il ne méritait probablement pas. Dans l’attente de la réponse, profitons tout simplement de Beau is Afraid, une des très belles surprises de ce début d’année.
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