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15 octobre 2022

★★★½ | Triangle of Sadness (Sans filtre)

★★★½ | Triangle of Sadness (Sans filtre)

Réalisation: Ruben Östlund | Dans les salles du Québec le 14 octobre 2022 (Entract Films)
Les films du réalisateur suédois se suivent, et les constats se ressemblent. Nous pourrions en effet reprendre la première phrase de notre article consacré à The Square en ne changeant que le titre du film. Voilà ce que cela donnerait : « Triangle of Sadness ne restera pas dans les mémoires comme la meilleure Palme d'or de l’histoire du festival. Il ne sera pas non plus la pire, car le film de Ruben Östlund possède de réelles qualités. » Le film précédent était une critique du milieu de l’art contemporain. Celui-ci est une réflexion amusée et acerbe sur le rôle démesuré accordé à l’image de soi et au pouvoir de l’argent. Mais comme pour le précédent, ce constat est avant tout le point de départ vers un regard critique sur l’ensemble de la société. Bien évidemment, Östlund n’est pas le cinéaste le plus subtil qui soit, et il n’a jamais peur d’enfoncer des portes ouvertes. Heureusement, il le fait avec un talent et un humour souvent irrésistible. Il va même jusqu'à assumer ses excès dans une scène charnière — le repas avec capitaine du yacht  qui se déguise progressivement en délire Monty-Pythonnien avant de se transformer en miroir critique insoupçonné et passionnant. Non seulement, en allant vers l’excès, il assume pleinement le côté caricatural de la première partie de son film, mais cette scène lui permet d’élargir sa critique. Alors que dans un premier temps, le film était une charge anticapitaliste (certes amusante et presque jouissive, mais tout de même très) simpliste, la seconde partie se transforme en critique plus globale sur le genre humain. Ici, ce ne sont plus les propriétaires des outils de production ou les icônes intouchables en raison de leur beauté (et des profits qu'ils génèrent) qui ont le pouvoir, mais ceux qui créent, qui transforment, qui produisent. Et le résultat n’est pas beaucoup plus réjouissant.
Mais au moins, Östlund prend du plaisir à nous proposer son regard nihiliste. Puisque rien ne va plus, et que rien n’est possible, autant prendre le parti d’un rire. Alors non, « Triangle of Sadness ne restera pas dans les mémoires comme la meilleure Palme d'or de l’histoire du festival », mais il s’agit indéniablement d’une des meilleures (et des plus intelligentes) comédies de l’année ! Profitons-en !

15 octobre 2021

★★★½ | Bergman Island

★★★½ | Bergman Island

Réalisation: Mia Hansen-Løve | Dans les salles du Québec le 15 octobre 2021 (Cinéma Du Parc)

Deux cinéastes américains s’échappent à l’île de Fårö, où Ingmar Bergman résidait, en espérant y trouver l’inspiration nécessaire pour leur scénario respectif. Dans les mains de tout autre cinéaste, Bergman Island aurait probablement été un exercice métatextuel lourd, mais Mia Hansen-Løve approche son sujet avec une touche légère, parfois amusée et parfois sincère, qui lui permet d’éviter de faire son film une œuvre outrancièrement révérente.
Évidemment, l’omniprésence de Bergman dans le film permet à Hansen-Løve d’explorer quelques de ses ruminations sur la figure de l’artiste. Souvent, cette figure est ici confrontée à sa vie personnelle avec laquelle il peut, ou pas, être en adéquation. Dans ses pires moments, Bergman Island devient l’objet redouté : un objet cinéphile hermétique et qui se contente paresseusement de commenter sur sa propre nature. Toutefois, la réalisatrice tombe rarement dans le piège. Les références au maître suédois sont plus souvent anecdotiques et servent à remettre en jeu les conflits qui habitent les personnages, plutôt que de dicter strictement les aboutissants du scénario.
C’est donc, avec raison, la dynamique entre ses deux personnages qu’explore Hansen-Løve ici. Si, étant donné leur statut social, ils paraissent foncièrement privilégiés, la réalisatrice n’exagère jamais leur drame et se prive d’élan mélodramatique. Qui plus est, elle infuse à ses personnages assez de vécu  elle aurait été inspirée par le même parcours sur l’île de Fårö  et de sincérité pour les rendre crédibles, à défaut d’être vraiment sympathiques à l’audience. La mélancolie qui les habite est aussi triste que rêveuse. Loin de se lover dans une misère insoutenable, Bergman Island trouve un confort dans la possibilité d’être habité par ses souvenirs, aussi douloureux soient-ils. L’île de Fårö, autant par ses décors de fin d’été tranquille que par son importance dans l’histoire du cinéma, devient un lieu fécond pour les souvenirs imaginées par Mia Hansen-Løve.

29 avril 2021

★★★½ | Pour l'éternité / About Endlessness (Om det oändliga)

★★★½ | Pour l'éternité / About Endlessness (Om det oändliga)

Réalisation: Roy Andersson | Disponible dans les salles et en VSD au Québec à partir du 30 avril 2021 (EyeSteelFilm)
Roy Andersson tourne peu mais ses films sont toujours des événements cinématographiques. C'est évidemment le cas de Pour l'éternité, son quatrième long métrage du présent siècle.
La première scène pique instantanément la curiosité du cinéphile. Il s'agit d'un couple enlacé dans le ciel, à l'instar d'une peinture de Chagall. Une image forte et mémorable, qui contraste avec le dernier plan: un homme seul qui tente de réparer sa voiture en panne dans un champ. Entre les deux, il s'agit du testament d'un créateur de 78 ans qui ne tournera peut-être plus jamais et qui explore les liens qui unissent et éloignent les gens.
Fidèle à ses habitudes, le cinéaste suédois déploie une multitude de saynètes de durée variable. Quelques personnages reviennent même si l'intérêt se trouve ailleurs. Sa mise en scène statique, récompensée à la Mostra en 2019 et reconnaissable entre toutes, prolonge le plan fixe afin de capter le quotidien de ses êtres. Sa photographie exceptionnelle baigne dans le gris, le brun et brume, rappelant le style d'Edward Hopper.
A priori, rien n'a vraiment changé depuis sa précédente trilogie, qui a démarré sur des chapeaux de roues en 2000 avec son extraordinaire Chansons du deuxième étage. On assiste encore au théâtre de l'absurde version Beckett, avec un humour mi-Tati mi-Kaurismäki qui a été, depuis, alimenté par Stéphane Lafleur.
Le spectateur ne se retrouve pas pour autant en terrain connu. Le rire ne s'accapare plus la part du lion, bien au contraire. Des thèmes plus sombres font leur entrée, que ce soit la solitude, la perte et la crise de la foi. Une gravité qu'annonçait déjà le précédent et sous-estimé Un pigeon perché sur une branche philosophait sur l'existence.
La condition humaine a toujours été au cœur des préoccupations de son auteur, qui se dépasse cette fois en liant les mal-être individuels et collectifs, créant des liens insoupçonnés envers le passé pour rappeler comment la colère présente peut trouver ses racines dans les crimes de l'Histoire.
Des constatations qui se font progressivement à l'aide d'un regard qui n'a pas perdu de son acuité et qui amalgame le ludique et le tragique. Une voix hors-champ féminine se fait parfois entendre, apportant poésie et émotion tout en évoquant le chef-d'œuvre Les ailes du désir de Wenders.
Court et infini à la fois, Pour l'éternité est un opus qui possède peu d'équivalents, si ce ne sont les précédentes créations d'Andersson. L'ensemble méritera probablement un certain temps d'adaptation pour un public non initié mais il ravira rapidement les autres, heureux de pouvoir s'y lover en ces jours si incertains.

25 février 2021

★★★ | Alcootest / Another Round  (Druk)

★★★ | Alcootest / Another Round (Druk)

Réalisation: Thomas Vinterberg | Disponible au Québec en VSD à partir du 18 décembre 2020 et en salle à partir du 26 février 2021 (Métropole)
Avec Alcootest, Thomas Vinterberg retrouve Mads Mikkelsen quelques années après le très réussi La chasse. Le résultat, un peu moins maîtrisé, est également beaucoup moins désabusé.
Avec le passage du temps et l’installation du petit traintrain de la vie (professionnelle et domestique), la lassitude peut prendre le dessus. Quatre profs vivent cette triste réalité, jusqu’à ce qu’ils décident de tester la théorie d’un chercheur danois dont l'affirmation peut surprendre: nous naissons avec un déficit d’alcool dans le sang et le taux d’alcool idéal est de 0,5 g. Avec une volonté scientifique digne de leur statut d’enseignants, ils vont donc opter pour une consommation raisonnée, et leur vie va changer pour le mieux. Du moins pour un temps... l’augmentation des doses au delà du raisonnable ne correspondant pas à une hausse de bien-être!
Malheureusement, Vinterberg se laisse un peu enfermer dans son idée de départ et ne parvient jamais vraiment à faire sortir son film de sa morale: boire un peu, c’est bien, mais boire trop, c’est dangereux. Certes, il parvient à donner vie à d’attachants personnages et à créer de véritables interactions avec leurs entourages (famille, élève, collègues), mais le tout, trop théorique, peu incarné et surtout trop illustratif, ne convainc pas totalement. Fort heureusement, les lourdeurs d’écriture sont contrebalancées par la capacité de Thomas Vinterberg à filmer la vie, et principalement trois de ses composantes: la lassitude, les espoirs et les excès. Sa collaboration avec Mads Mikkelsen fait une nouvelle fois mouche, et au delà du discours, c’est surtout le portrait de son personnage que l’on retiendra.
Lors de la toute dernière scène, il peut avec sérénité trouver ce qu’il n’avait alors jamais vraiment trouvé : l’état (réellement) festif. Le prof se libère alors et nous offre une séquence dans laquelle l’envie de vivre en toute liberté explose enfin, de manière plus spontanée et moins calculée qu’à l’occasion des expérimentations éthyliques mal contrôlées. Parfois, une fin est si belle qu’elle fait oublier quasi instantanément les faiblesses d’un film. C’est le cas avec la dernière scène d'Alcootest!

24 novembre 2017

The Square ***

The Square ***

Christian, conservateur d’un musée d’art contemporain, semble moralement irréprochable… du moins en théorie. Le restera-t-il après le vol de son portefeuille?

Réalisateur: Ruben Östlund | Dans les salles du Québec le 24 novembre 2017 (EyeSteelFilm)