6 septembre 2019

★★★ | Un long voyage vers la nuit / Long Day's Journey Into the Night (地球最后的夜晚)

★★★ | Un long voyage vers la nuit / Long Day's Journey Into the Night (地球最后的夜晚)

Réalisation: Bi Gan | Dans les salles du Québec le 6 septembre 2019 (Acéphale)
Un homme taciturne à la recherche d’une femme disparue. Telle est la prémisse de ce long-métrage baignant dans une aura de mystère. La recherche de la vérité et des faits entourant une disparition entraînera le personnage principal dans les méandres de la mémoire et des souvenirs.
Les souvenirs du héros sont pourtant incomplets et confus. Il en est de même pour ceux qui croiseront sa route. Nous vivrons en tant que spectateur, les multiples errances de notre héros. D’entrée de jeu, l’enquête semble tourner en rond. Les quelques indices recueillis se retrouvent voilés par un nuage d’anecdotes, histoires d’un passé lointain. Ainsi, chacun des personnages pouvant faire avancer le récit se retrouve à discuter avec le héros d'une manière vague et souvent incohérente. La communication entre les personnages est majoritairement indirecte. Au cours d’une même conversation, on aura l’impression que les personnages sont chacun à des époques différentes comme s’ils existaient sur deux temps. À travers des répétitions de dialogues, on arrivera toutefois à glaner certains indices. Pour ceux qui sont attachés à un cinéma construit sur une structure narrative linéaire, ce film pourra être des plus frustrants. Cependant, si l’on accepte dès l’entrée en matière que le personnage principal est lui-même incapable d’avancer, le film propose une expérience de cinéma qui se vit comme un rêve éveillé.
Le cinéaste s’appuie sur l’intangible (souvenir, rêve, mémoire) afin de créer une œuvre à la structure libre. De plus, la mise en scène stylisée renforce l’atmosphère anxiogène propre au film noir. Au-delà d’un long plan séquence en seconde moitié du film (qui est en soi un tour de force), cet étrange labyrinthe cinématographique révèle avec nuance le danger de la nostalgie et du retour dans le temps. La recherche de la vérité peut parfois se faire à nos risques et périls.

29 août 2019

★★★ | La version nouvelle

★★★ | La version nouvelle

Réalisation: Michael Yaroshevsky | Dans les salles du Québec le 30 août 2019 (Cinémathèque québécoise)
La version nouvelle est un petit film étrange! Après son visionnement, on hésite un peu. Serait-ce un film ambitieux plutôt loupé, étouffé par quelques références trop lourdes et par sa propre ambition poético–air-du-temps–je-ne-sais-quoi? Nous ne sommes pas loin de le penser, mais préférons y voir un film modeste fait d’une succession d’images, de sons, de lenteurs assumées... qui invitent le spectateur à divaguer. Cela semble anodin, mais ce n’est pas rien: jamais le film n’ennuie, ne donne envie de se lever de son siège, de quitter la salle et d’aller affronter le dehors. Régulièrement, un bruit de bouteille qu’on débouche, un craquement de parquet, une Sophie Desmarais qui ne fait pas grand-chose dans un appartement, des passagers de métro en Russie ou au Japon, un polaroïd qui se décroche d’un mur ou je ne sais quel petit quoi d’anodin viendra titiller notre imaginaire, nous inciter à nous perdre dans nos pensées... tout en nous donnant toujours le minimum pour ne pas décrocher du film, bâiller d’ennui, s’ennuyer à maudire ce Yaroshevsky...
Alors bien évidemment, le film ne laisse pas une trace indélébile dans nos souvenirs cinéphiles, mais il nous donne envie de conseiller d’aller à sa rencontre, dans une salle de cinéma (où aucune tentation familière ne risque de divertir), et d’essayer de prendre ce qu’il a à nous offrir: une Sophie Desmarais qui-ne-fait-pas-grand-chose-mais-qui-le-fait-bien, des petites choses, des petites formes, des petits sons. Pour faire court: des petits riens dont la modestie finirait presque par ravir (sans que l’on sache vraiment pourquoi!).
C’est peut-être ça, aussi, la magie du cinéma.

23 août 2019

★★ | The Death and Life of John F. Donovan (Ma vie avec John F. Donovan)

★★ | The Death and Life of John F. Donovan (Ma vie avec John F. Donovan)

Réalisation : Xavier Dolan | Dans les salles du Québec le 23 août 2019 (Séville)
Après un financement difficile, un tournage interminable, un processus de montage tout aussi pénible et un distributeur qui donne l’impression d’attendre très longtemps avant de se jeter à l'eau, The Death and Life of John F. Donovan arrive enfin sur nos écrans. Malheureusement, le miracle ne se produit pas et le visionnement confirme ce que l’on pouvait craindre: Donovan est le film le moins réussi de Xavier Dolan (et détrône donc Laurence Anyways). Il confirme surtout que lorsque Dolan (si impressionnant lorsqu’il s'intéresse aux relations interpersonnelles) cherche à raconter une histoire un peu trop ambitieuse, il se perd dans ses méandres et se laisse malencontreusement écarteler entre la nécessité de raconter et l’envie de déverser aux spectateurs un torrent d’émotions.
Le film commence de manière un peu tiède, comme si Dolan cherchait à calmer ses ardeurs (certes potentiellement agaçantes, mais particulièrement efficaces, comme dans Juste la fin du monde). Mais très vite, notre indulgence s’estompe: au-delà de certaines maladresses qui deviennent de plus en plus agaçantes (la palme revenant à une course folle d’un fils vers sa mère, au ralenti, sur fond de Stand by me, version Florence + The Machine), Dolan ne sait pas comment raconter son histoire: il se perd entre le présent et le passé, entre la star et son jeune admirateur, et surtout, nous inflige une rencontre entre l’admirateur (devenu jeune adulte) et une journaliste, dont le seul but semble être d’expliquer le reste du film, ce que l’on peut facilement interpréter comme une marque de mépris pour l’intelligence du spectateur!
Ce film, pourtant très personnel et très ambitieux, est indéniablement le ratage du cinéaste. Heureusement, ici ou là, quelques plans assez beaux, voire relativement émouvants viennent nous rappeler que Dolan a du talent. Mais 10 minutes de belles choses noyées dans 2 heures d’émotion mal contrôlée... c’est trop peu!

15 août 2019

★★★¾ | L'heure de la sortie

★★★¾ | L'heure de la sortie

Réalisation: Sébastien Marnier | Dans les salles du Québec le 16 août 2019 (Axia)
Adaptation du roman éponyme de Christophe Dufossé, L’heure de la sortie arrive comme une bouffée d’air frais sur nos écrans. Ce thriller français est le second long métrage de Sébastien Marnier après Irréprochable sorti en 2016.
Dans Irréprochable, Marnier se montrait fort habile pour créer des ambiances en mêlant le cinéma d’auteur au thriller psychologique. Il se montre aussi à l’aise ici en jonglant avec les codes du suspense et du cinéma d’horreur. Mais outre la précision de sa mise en scène, on retrouve aussi dans ce second long métrage une finesse d’écriture qui détonne du reste du cinéma fantastique actuel. Parce qu’il transpose à l’écran des préoccupations bien réelles avec un sous-texte social percutant et qu’il le fait de manière assez singulière (et bluffante), Marnier s’impose rapidement comme un des jeunes espoirs du cinéma de genre français. Certains s’amuseront aux nombreux jeux de piste et références (Village of the Damned, Children of the Corn, Take Shelter) que le cinéaste s’amuse parfois à brouiller à nos dépens. Malgré cette volonté du cinéaste de déjouer nos attentes, on se laisse envoûter par le climat étrange où baigne une ambiance paranoïaque au suspense magnétique. Le montage hachuré et la musique atmosphérique du groupe électronique français Zombie Zombie ajoutent au climat insolite de l’ensemble car L’heure de la sortie est aussi un film qui mise sur une expérience sensorielle, où le son prend autant d’importance que les images.
Après Elle, K.O. et Paul Sanchez est revenu, Laurent Lafitte de la Comédie-Française confirme qu’il est fort à l’aise et convaincant dans un registre dramatique ou dans des films de suspense ou à énigme.
L’heure de la sortie est à ce jour le thriller français le plus réussi et le moins balisé de l’année.

8 août 2019

★★½ | Tel Aviv on Fire (Feu à Tel Aviv)

★★½ | Tel Aviv on Fire (Feu à Tel Aviv)

Réalisé par Sameh Zoabi | Dans les salles du Québec le 9 août 2019 (Cinéma Du Parc)
Au visionnement de Tel Aviv on Fire, on ressent l’intention sincère de Sameh Zoabi de réaliser une comédie de situations tranquille et douce sur un sujet aussi difficile, propre à la division, que le conflit israélo-palestinien. D’une part, l’exercice peut sembler autant dangereux que foisonnant en possibilités; d’une autre, le résultat que le réalisateur présente est trop frileux pour faire marque. Si la sincérité du discours est sentie, Tel Aviv on Fire donne l’impression de n'explorer sa prémisse qu’à moitié.
Le film s’intéresse au destin d’un paumé qui, par pur hasard, se trouve à scénariser un téléroman à l’eau de rose. La mise en abyme elle-même permet à Zoabi de jouer d’humour à deux niveaux : dans le téléroman, il peut se permettre de verser dans la caricature alors que son film reste retenu. Cela étant dit, Tel Aviv on Fire fait sourire surtout par le simple fait de rassembler des personnages aux idéologies opposées sans jamais rechercher à faire des gags grotesques.
Ce caractère posé de la comédie serait à encenser si Zoabi offrait plus que celle-ci dans son film. Ce qui déçoit, c’est à quel point les conflits sociaux sont abandonnés en dernier tiers au profit d’une romance sous-développée et, en fin de compte, très peu satisfaisante. Le personnage féminin est à peine esquissé et ne propose aucune des possibilités que permettait l’opposition entre ses autres personnages. Alors que Zoabi, sans tomber dans la lourdeur, avait des idées graves qui lui travaillaient l’esprit, il semble incapable de les résoudre et se contente d’un dénouement facile, nous laissant avec l’impression que Tel Aviv on Fire est, malgré ses intentions, une comédie bien comme les autres.