Réalisation : Jeanne Herry | Dans les salles du Québec le 17 novembre 2023 (AZ FIlms) |
Cinq ans après Pupille, Jeanne Herry continue de s’intéresser à certaines composantes méconnues de l’appareil sociojuridique français. Avec Je verrai toujours vos visages, elle prend comme point de départ la Justice Restaurative. Créée en France en 2014, elle permet aux personnes victimes et auteurs d’infraction de dialoguer dans des dispositifs sécurisés, encadrés par des professionnels et des bénévoles. Le sujet en soi est passionnant, et la cinéaste en a fait une fiction qui cherche à assumer à la fois son statut fictif et son approche didactique. Elle passe donc par une phase d’introduction qui met en place aussi bien les enjeux que les intervenants, puis propose en parallèle deux exemples : d’une part un groupe de victimes de vols avec violences confrontées à des agresseurs qu’ils ne connaissent pas ; et d’autre part une victime d’agression sexuelle confrontée a son grand frère agresseur.
Malheureusement, les deux histoires parallèles donnent dans un premier temps l’impression d’être utilisées pas soucis de relative exhaustivité (et donc, pour donner deux types d’exemples concrets : permettre aux victimes de rencontrer UN bourreau d’une part et SON bourreau de l’autre). On a alors souvent le sentiment que ces deux arcs narratifs auraient pu engendrer deux films distincts qui auraient semblé moins illustratifs. Cependant, malgré cette supposée faiblesse, l’ensemble reste à conseiller fortement. Au-delà de l’interprétation exemplaire, la qualité des dialogues fait la force du film et nous permet d’atténuer la critique précédente. Délicats, justes, respectueux de chacun, ils entraînent le spectateur dans des rencontres improbables et parfois bouleversantes. Surtout, ils permettent aux personnages de dépasser le statut de cas juridiques (l’agresseur et l’agressé) pour devenir humains avant tout, avec ce que cela implique de bon et de moins bon. À ce sujet, l’intrigue liée au viol vient contrebalancer celle des vols avec violences. Leurs deux conclusions distinctes viennent alors atténuer notre sentiment initial et justifier l’usage des deux arcs narratifs. En effet, même si cette Justice Restaurative est une belle idée, elle ne certifie en rien la réussite des démarches. Elle est une tentative pour faire avancer les choses… sans garantie, justement car elle implique l'humain, avec ses lueurs d’espoirs et ses failles.