28 février 2014

Fantasia 2013 / RVCQ 2014: Thanatomorphose ***½

Réalisateur: Éric Falardeau

Laura (Kayden Rose, parfaite) vient d’emménager dans un appartement. Prise entre ses velléités artistiques qui n’aboutissent pas et un amant plutôt bourrin, sa vie semble tourner à vide. Petit à petit, son corps laisse apparaître d'inquiétants signes de décomposition.
Dès le départ, la facture visuelle très particulière nous réjouit avec son beau sens du cadre, sa faible profondeur de champ, un amour assumé du flou et de l'obscurité... le tout parfaitement maîtrisé. Pourtant, avouons-le, ce début très prometteur laisse craindre un essoufflement de mi parcours. Fort heureusement, après la mise en place, nous entrons dans le vif du sujet et au lieu de lasser le spectateur, Thanatomorphose se fait de plus en plus passionnant. Les mêmes caractéristiques de mise en scène sont présentes (à l'exception de la caméra qui se fait un peu plus mobile) mais un élément narratif se développe. Les hématomes présents sur le corps de la femme grossissent, puis laissent place à un corps en décomposition, littéralement cadavérique, alors que Laura semble encore bien vivante. Mais au delà du constat de l’échec d’une vie, Thanatomorphose n’a-t-il pas un autre sens? La femme, considérée comme un objet par les hommes, ne se comporte-t-elle pas ainsi à son tour comme un objet? En effet, sa décomposition n'est pas la conséquence de la mort comme c'est pour le cas pour tout organisme vivant. Pour Laura (comme pour tout objet), elle continue à avoir une utilité jusqu'à ce que sa dégradation soit trop avancée (la scène de fellation est à ce titre particulièrement significative).
Traduction de la peur de la mort? Volonté de la nier en continuant à exister à tout prix? Fable féministe? Pur exercice de style où le sens du cadre, le soin apporté à la bande-son et le déluge d’effets spéciaux (signés David Scherer et Rémy Couture) tiennent une place prépondérante? Cadeau à l’attention des amateurs de symboles? Thanatomorphose est peut-être un peu tout cela. Il est probablement surtout, malgré quelques plans un peu faible, un touchant portrait de femme meurtrie empreint d’une poésie gore envoûtante.
À quelques jours de la fin de Fantasia, et sans aucun chauvinisme, nous pouvons même affirmer qu'il s'agit d'une des belles découvertes de cette édition! Surtout, Éric Falardeau nous prouve avec Thanatomorphose que le cinéma de genre québécois peut être autre chose qu’un mélange de prétention et de médiocrité. Un grand merci à lui!
Lire également notre entrevue avec Éric Falardeau
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