20 septembre 2013

Dans un océan d’images **½

Quel sens, quelle valeur donner aux images aujourd’hui, à l’ère de leur révolution numérique et de la vertigineuse prolifération qu’elle entraîne? Pour répondre à ces questions, la documentariste Helen Doyle est allée recueillir les témoignages de ceux qui en vivent, les rapporteurs d’images qui nous donnent à voir le monde autrement.

Réalisateur : Helen Doyle | Dans les salles du Québec le 20 Septembre (Filmoption International)

À la base du documentaire d’Helen Doyle se niche une question à la simplicité trompeuse : nous sommes submergés d’images mais savons-nous encore les voir? Question large à laquelle Doyle répond indirectement. Elle préfère retourner à la source, aux « chasseurs d’images » qui chaque jour, en témoignant du monde et de sa confusion, s’exposent dans toute leur sensibilité et fragilité. La documentariste part un peu partout à travers le monde (Paris, Palerme, Cambodge, Inde, New-York...) à la conquête de ces photojournalistes pour les faire parler, interroger leur démarche. Rapidement le sujet se déplace et Doyle se révèle moins intéressée à interroger la dite « surconsommation » des images − cette expo par exemple à Amsterdam, abritant des millions de photos poubelles imprimées à partir de Flickr, ne suffit malheureusement pas à donner du poids à l’argument. Son intérêt pour le phénomène du journalisme citoyen (le projet édifiant qu’est Bagdad Calling) aurait également mérité d’être plus longuement exploré.
Son vrai sujet se trouve ailleurs, campé à travers les témoignages de ces intervenants, dix photographes/bédéiste qui revisitent leur histoire. Dans une affection sentie, attentive, la réalisatrice donne voix et cadre à ces hommes et femmes de l’ombre, jusque-là restés confinés dans le hors-champ de leurs productions. Puis, de leurs mots, de leurs silences, quelque chose de fort (rarement atteint en dehors des films de Depardon), d’émouvant éclate : une sorte d’impuissance consentie devant les douleurs du monde, les traumas de l’Histoire qu’ils se chargent de mettre en cadre. Ces "poignards dans le cœur", pour citer le photographe Stanley Greene. Pour leur empathie, leurs récits de vie, leurs utopies, leurs doutes aussi, on serait prêt à écouter ces photographes (Alfredo Jaar, Letizia Battaglia, Philip Blenkinsop, pour ne nommer qu’eux) des heures durant.
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