25 décembre 2013

The Wolf of Wall Street (Le loup de Wall Street) ***½

D'abord courtier de Wall Street, Jordan Belfort (Leonardo DiCaprio) prend vite goût à l’argent et fonde sa propre société de courtage financier aux activités illégales. En roi du monde, il vit dans le luxe et les excès jusqu’à ce qu’il soit arrêté par le F.B.I.

Réalisateur: Martin Scorsese | Dans les salles du Québec le 25 Décembre (Paramount)

Sûrement pas insensible au cinéma de Quentin Tarantino (celui de Deathproof ou Kill Bill), Martin Scorsese s’est probablement dit qu’il était plus que jamais temps de s’offrir un film-compilation de son œuvre. Qui lui en voudrait ? À 70 ans passés, le célèbre réalisateur new-yorkais a tracé l’une des plus belles et cohérentes trajectoires du cinéma américain. Il n’a plus grand-chose à prouver. La virtuosité intacte, Martin Scorsese accouche donc aujourd’hui de Wolf of Wall Street, son plus bel accomplissement depuis Casino. Survolté, jubilatoire, drôle (qui l’eut cru, venant de l’auteur de Raging Bull), ce dernier opus est du Marty pur jus (un NY décadent, une énième version de l’ascension-déchéance de personnages plus grands que nature, une bande sonore oscillant entre vieux standards blues et le rap de Kanye West) mais aussi révélateur d’une défaillance qui est devenue difficile à nier. Malgré une incroyable maîtrise et un sens du rythme ahurissant, le cinéma de Scorsese se pose en surplomb de ses personnages et frôle à plusieurs occasions la complaisance du cinéaste se regardant filmer. À trop montrer sa brillance formelle, il en est venu depuis quelques films à se dénuer de cette matière vitale dont il savait faire preuve par le passé. Le drame de ses personnages ne nous affecte pas, ou plus… malgré la présence cette fois de Terrence Winter, l’ex-scénariste des Sopranos (série qui elle savait privilégier l’émotion, l’humanité toute en fêlures de son personnage).
De ses gloires passées, Martin Scorsese recycle donc les mêmes motifs (la finance a pris la place de la mafia, néanmoins la proximité entre ces deux univers est évidente) mais peine encore à modifier son regard sur le monde (exclusivement blanc), ou même sur la femme (elle a toujours été pauvrement représentée chez lui, exception faite du The Age of Innocence). Aussi, les plus fidèles à l’œuvre de Scorsese reconnaîtront dans le trio des personnages principaux (Jordan, Donnie, Naomi) un décalque de celui que composaient De Niro-Pesci-Stone dans Casino. Mais alors que dans cette traversée de l’eldorado mafieux de Las Vegas, on sentait Martin Scorsese afficher une réelle tendresse et de l'empathie pour ses personnages, aujourd’hui il n’y a que cynisme et profond mépris pour ceux de The Wolf of Wall Street. Rarement, on avait vu pareille chose émaner du cinéma américain. Virulent, cruel, Scorsese ne porte pas dans son cœur ces attardés autoproclamés, ces Gordon Gekko wannabes assoiffés d’argent, sans loi ni morale (prétexte à quelques mémorables séquences où Jordan s’adresse directement spectateur).
Comme jamais dans sa carrière, Martin Scorsese se fait sans pitié et passe au crible le milieu de la finance, ses voyous du « greed is good ». Un cocktail explosif de sexe-drugs-power qu’il filme avec une fascination horrifiée. Bénéficiant d’une distribution fabuleuse (Leonardo Di Caprio, grandiose, et Matthew McConaughey, incontournable en mentor), Scorsese répond présent à une industrie qui laisse de moins en moins de place aux réalisateurs de son âge. En guise de cadeau, il nous offre une bombe cinématographique d’une vitalité tourbillonnante, séduisante et souvent effrayante…S’épuisant en longueur ‒ particulièrement dans son dernier acte, répétitif ‒, The Wolf of Wall Street frôle de très près le grand film.
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