11 juillet 2014

Life Itself **½

Life Itself raconte la vie et le parcours d’un des plus grands critiques de cinéma américains, Roger Ebert.

Réalisateur : Steve James | Dans les salles du Québec le 11 Juillet (Cinéma du Parc)

Quiconque s’intéresse au cinéma et plus largement à la critique n’est pas étranger aux mots et à la signature de Roger Ebert. C’est donc avec un enthousiasme certain qu’on entre dans le documentaire biographique de Steve James, film porteur d’une grande complicité entre le réalisateur et son sujet. Sensible et admiratif de l’œuvre du documentariste, le critique lui donne plein accès à sa réalité de malade, se laissant tout au long des derniers et douloureux mois de sa vie filmer sur son lit, échangeant avec lui une série de conversations et questions-réponses via courriel. Pourtant malgré les intentions les plus sincères de James, quelque chose résiste et le film déçoit. Passé l’inconfort de voir Ebert si amaigri et diminué physiquement (depuis 2006, son cancer l’empêchait de se nourrir et de parler), c’est l’insistance avec laquelle James filme son sujet qui pose problème. A trop insister sur les affronts de la maladie et les drames du passé (son alcoolisme, sa mère dépressive), on a l’impression que James dénature le personnage d’Ebert. Son parcours, extraordinaire, en tant que critique (son prix Pulitzer, son amour du cinéma, les arguments moraux de ses textes, leur éclatantes clarté et finesse) aurait gagné à être plus profondément exploré, plutôt que d'étaler par exemple inutilement ‒ et trop longuement ‒ les vieilles frictions entre lui et son défunt collaborateur Gene Siskel pendant l’animation de leur célèbre émission At the movies.
Parmi les proches et amis invités à parler de Roger Ebert, on retrouve plusieurs critiques et cinéastes, notamment A.O.Scott, Richard Corliss, Ramin Bahrni (générateur d’une des plus belles scènes du film), Errol Morris et nul autre que Werner Herzog ‒ chacun confiant quelque chose de très personnel et révélateur sur la personnalité du vénérable critique américain. Quand on connaît la relation très privilégiée et l’admiration qu’Herzog et Ebert se portaient ‒ à lire le très beau texte A letter to Werner Herzog, in praise for a rapturous truth ‒ , on se met alors à rêver à ce qu’aurait pu être ce Life Itself s’il avait été signé par Herzog. Car s’il réussit à ses meilleurs moments à nous toucher, Life Itself demeure trop peu satisfaisant dans son portrait de l’homme ‒ critique, tout comme dans sa façon, trop expéditive, d'interroger son héritage et sa place dans l’histoire de la critique…
Ce film- là (peut-être est-il trop tôt encore ?) reste à faire.
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