11 novembre 2014

Présentation des RIDM 2014

Du 12 au 23 Novembre sera présentée la dix-septième édition des RIDM. Cette année on ne compte pas moins de 141 films provenant de 44 pays ainsi qu'une variété d’événements parallèles, tels que des leçons de cinéma (Hazuo Hara), des discussions thématiques et installations tout au long des festivités.
 En guise d’ouverture, Kim Nguyen, cinéaste ayant œuvré jusqu’à maintenant dans la fiction (Rebelle), nous proposera Le Nez, un projet pour le moins singulier portant sur l’univers mystérieux de l’odorat.
Un autre cas de cinéaste de fiction converti au documentaire est celui de Pierre Schoeller (L’exercice de l’état) qui dans Le temps perdu s’intéresse au quotidien de nombreuses familles syriennes qui ont trouvé abri dans un camp de réfugiés en plein cœur du Kurdistan irakien. On en attendait peut-être beaucoup de Schoeller qui, selon mon collègue Jean-Marie Lanlo, démontre une «envie sincère de comprendre le quotidien de ces exilés», mais se prend au piège par certaines facilités dans sa mise en scène, trop guidée par sa «recherche de l’émotion facile».
Toujours du côté des moyens-métrages on évoquera Nuits, une errance filmée en noir et blanc dans la nuit montréalaise. Quoi qu’intéressant, Nuits souffre malheureusement de son éparpillement. En multipliant les rencontres avec des gens vivant à contre-courant du quotidien ordinaire, il refuse au spectateur le droit de pleinement s’identifier au récit, parfois tragique, souvent émouvant, des intervenants. C’est dommage car cette invitation dans la nuit avait de quoi nous séduire.
Dans Room Tone, Céline Baril part à la conquête du paysage américain avec sa caméra errante pour prendre des nouvelles de son rêve tant promu, tant chanté. Plus choquée que fascinée, elle en revient avec des images peuplées de «no bodies» pour citer le Dead Man de Jarmusch, hantées par la précarité et la misère humaine. Il en résulte un témoignage filmique (évacué de toute voix off) désenchanté d’un pays trop décimé de l’intérieur pour rêver, rongé par la crise économique, les inégalités sociales et le chômage. Un pays en somme confiné à son «cauchemar américain», pour citer un extrait d’un discours de Martin Luther King entendu dans le film… Recourant à des musiques et extraits sonores de films (Network, Five Easy Pieces, Taxi Driver...) pour accompagner, et donc commenter, ses images, Baril accouche d’une réflexion franchement saisissante.
Cette volonté de s’ouvrir au monde, d’en témoigner les multiples facettes troubles et mutations domine une majeure partie de la sélection. C’est le cas de The Empire of Shame, Citizenfour ou encore The 50-year Argument. Avec L’abri, Fernand Melgar a posé sa caméra dans un centre d’hébergement de Lausanne, captant tour à tour l’impuissance de ses employés et la terrible réalité à laquelle sont confinés des milliers de réfugiés. Témoigner c’est aussi écouter la parole difficile et douloureuse de ces trois femmes coréennes dans Tour of Duty, comme le font Dong-Ryung Kim et Kyoung-Tae Park, ou encore replonger dans l’histoire du génocide indonésien, tel que le fait si courageusement Joshua Oppenheimer avec The Look of Silence, documentaire qui prolonge son enquête sur les meurtres perpétrés dans les années 60. Mais cette fois, au lieu d’interroger les tortionnaires comme il l’avait fait dans son terrifiant The Act of Killing, Oppenheimer se place du côté des familles des victimes. Il serait d’ailleurs tout à fait injuste de ne pas mentionner l’indispensable Eau argentée, Syrie autoportrait, décrit par Le monde comme un « incontestable chef d’œuvre » ; une sorte de dialogue en images sur le conflit syrien entre deux cinéastes, l’une (Wiam Simav Bedirxam) toujours basée en Syrie et l’autre (Ossama Mohammed) réfugié à Paris.
Cette prise en direct de l’état du monde est aussi au cœur du court Substanz de Sebastien Mez, sur le Japon après la catastrophe de Fukushima, vu lui aussi par Jean-Marie Lanlo. Même si il reconnaît la qualité du travail graphique et sonore, ce dernier reste malgré tout perplexe devant le résultat final et questionne la pertinence de la mise en scène en dénonçant « un exercice de style mal adapté au sujet» et une tendance chez le réalisateur « à plus être à l’écoute de son propre ego que de son sujet».
De son côté Myriam Charles a vu N-The Madness of Reason, œuvre dans laquelle Peter Krüger nous invite à découvrir la passion et l’ambition d’un homme qui consacra sa vie à rédiger la première encyclopédie africaine. «Poétique et envoûtante, superbement filmée, l’œuvre de Krüger nous entraîne dans un récit riche tissé de rêves, de souvenirs et de réalité(s) africaine… Elle n’est pas sans évoquer le somptueux Sans Soleil de Chris Marker ».
Tandis que Mami Sunada s’invite au légendaire studio Ghibli, y filmant le maître du cinéma d’animation Hayao Miyazaki au travail dans le très recommandable (selon Myriam Charles) Kingdom of dreams and Madness, le maître du documentaire américain Frederick Wiseman nous convie quant à lui à une visite absolument passionnante de la National Gallery de Londres. Il y affiche toujours son refus catégorique des interviews et des voix off, et se fond prodigieusement dans le décor. Patiente et attentive, sa caméra traque presque trois heure durant le moindre recoin de cette illustre institution anglaise. Des lieux les plus discrets comme les ateliers de restauration (véritable mine d’or pour n’importe quel passionné d’art) aux bureaux d’administration, jusqu’aux conférenciers communiquant avec une intelligence éclatante les mérites et les secrets d’une toile de Rembrandt ou de Turner, la caméra Wiseman se fait omniprésente, s’attarde à la parole érudite comme au plus simple et béat des regards posé devant une toile… pour finalement nous servir une délectable et fascinante histoire de l’art !
Pour plus d'informations sur la programmation, rendez-vous sur le site internet des RIDM.
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