20 février 2015

P’tit Quinquin ***½

Dans un village au nord de la France, le cadavre d’une femme est retrouvé dans le ventre d’une vache. Le commandant  Van Der Weyden, accompagné de son fidèle adjoint Carpentier, mène l’enquête.

Réalisateur : Bruno Dumont | Dans les salles du Québec le 20 Février (Funfilm)

Avec P’tit Quinquin, Bruno Dumont se pose là où nous ne l’attendions pas du tout, sur le terrain de la comédie. Conçu à l’origine pour la chaîne de télévision Arte en forme d’une mini-série de quatre épisodes, le projet profite d’une sortie en salles chez nous. Il s'agit d'un geste fort de la part de son distributeur québécois dont nous ne manquerons pas de saluer le courage, considérant à la fois la durée de l’ensemble (un 3h20 inégal) et l’accent ch’ti pas toujours compréhensible avec lequel s’expriment les personnages de cette enquête policière hors-normes.
Dumont se réapproprie ici tous les ingrédients de la série policière (le crime sordide, le duo de policiers, les fausses pistes…) pour mieux les dérégler et les intégrer à son univers (les paysages du Nord-Pas-de-Calais et les acteurs non-professionnels, tous formidables). Par exemple, à l’action et à l’efficacité policière que l'on attend dans ce genre de récit, Dumont préfère la lenteur ou le temps des incertitudes, privilégiant ici et là des pauses digressives qui à première vue n’ont rien à voir avec l’enquête. Pour reprendre une expression fréquemment utilisée pour qualifier les grands parents du P’tit Quinquin, Dumont met le bordel dans le genre policier en réinventant ses codes (scène de fusillade!) et le porte vers un burlesque à faire pleurer de rire. Que ce soit un enterrement en pleine église qui vire à un concert de rires étouffés, l'interrogatoire d’un suspect handicapé ou encore la simple présence du duo de policiers d’une exceptionnelle incompétence, le film multiplie les situations abracadabrantes, les personnages foutraques (Ch’tiderman, les grands-parents ou encore l’oncle Dany) sans rien céder de la rigueur de la mise en scène de Dumont, de la beauté picturale de ses plans ou de la noirceur de sa vision sur l’homme.
A l’instar d’un film comme L’Humanité, l’intrigue policière ne sert que de prétexte à Dumont pour affirmer tout son désir de représenter la vie rurale au quotidien, de témoigner d’une France abandonnée dont il nous rappelle l’existence à travers ses films, sans artifices ou joliesse. Le regard de Dumont, lui-même originaire de la région, est respectueux, plein de tendresse, jamais moqueur comme certains voudraient l’imaginer… À suivre les aventures improbables de ses personnage, on sent toute l’émotion et le plaisir qu’il a à les filmer. Et on en redemande volontiers !
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