En pleine guerre froide, Bobby Fischer, le jeune prodige américain des échecs, dispute le match le plus important de sa carrière contre le champion mondial russe, Boris Spassky… Le monde entier est rivé devant son écran.
Disons le net: Pawn Sacrifice s’inscrit dans la lignée d’un film comme The Imitation Game, c'est à dire un projet biographique hollywoodien convenu et prévisible, créé par des gens qui s’imaginent déjà partis vers les Oscars. Le pitch est d'ailleurs assez similaire: les deux films font le récit d’un personnage hors-norme (le génie d’informatique à l’homosexualité réprimée cède sa place au génie des échecs mentalement fragile) qui transcende les barrières de son milieu modeste, et dont les accomplissements auront marqué à tout jamais l’Histoire de son pays. Récit humain édifiant, Pawn Sacrifice est aussi un film chargé de tics et de conventions symptomatiques du genre (scènes originelles durant l’enfance, disparition du père, rapport difficile au monde, musique prédominante, love-story aussi risible qu’obligée).
C’est d’autant plus navrant que son personnage principal, Bobby Fischer, porte en lui tous les éléments nécessaires pour construire une fiction palpitante. Son histoire avait par ailleurs donné lieu à un superbe documentaire quelques années auparavant (Bobby Fischer Against The World), devant lequel le film d’Edward Zwick fait pâle figure. Il manque ici l’empreinte d’un cinéaste (David Fincher par exemple, qui a longtemps envisagé de réaliser le projet) qui aurait vraiment réfléchi à une proposition formelle (comment filmer une partie d’échecs, comment transcrire sur l’image la fièvre et la tension d’un tel jeu ?). À un personnage aussi fascinant et complexe que celui de Fischer, on se dit qu’il aurait fallu un film à son image, moins classique, plus transgressif, capable de rendre compte de sa personnalité obsessionnelle ou du tourbillon mental qui s’agitait en lui. Malheureusement, en dépit de la remarquable performance de Tobey Maguire, trouvant là son meilleur rôle en carrière, le portrait voulu manque d’épaisseur.
En panne d’inspiration, Zwick multiplie les extraits d’archives, manière un peu simpliste de cautionner la véracité de son histoire, se contentant sinon de filmer les échecs comme un match de tennis ou de boxe (plan sur les joueurs suivi par un plan du public), sans grande originalité ni personnalité. C’est certes bien exécuté, mais le tout demeure assez bancal et peu mémorable…
L'avis de la rédaction :
Sami Gnaba: **½
Martin Gignac: **½