8 janvier 2016

The Revenant (Le revenant)***

Au début du 19e siècle, durant une expédition hivernale, un trappeur américain est attaqué par un ours et laissé pour mort par ses coéquipiers. Reprenant conscience et agonisant, il lutte pour sa survie et cherche à retrouver ses anciens partenaires pour se venger.

Réalisateur : Alejandro G. Iñárritu | Dans les salles du Québec le 8 Janvier (20th Century Fox)

The Revenant est une œuvre qu’on pourrait qualifier de grandiose et d’irritante à la fois. Ce tiraillement qu’il suscite est devenu au fil du temps la norme chez Alejandro G. Iñárritu (Birdman) dont la poursuite du «grand film» virtuose et la vision particulièrement noire de l’humanité continuent à diviser. Son dernier film ne fait pas exception tant il semble afficher un désir continuel de se démarquer, d’impressionner, comme le prouve l’insoutenable scène de l’attaque de l’ours filmée dans toute sa brutalité en un seul et long plan. Ce souci de la performance dans sa mise en scène semble bien caractériser le cinéma du réalisateur mexicain: des performances d’acteurs extrêmes, un rabaissement des personnages au plus profond de leur désespoir, une technique écrasante… bref, un cinéma qui aime exhiber toute sa virtuosité (formelle, narrative), où chaque plan se doit d’être un tour de force, au risque d’exténuer son spectateur. C’est vers ce danger que le cinéma d’Iñárritu s’enlise de plus en plus.
The Revenant en impressionnera plusieurs, c’est certain. Que ce soit pour la majesté de ses paysages, la qualité d’interprétation de son acteur principal (Leonardo DiCaprio livrant la performance d’acteur la plus incontournable et physique vue cette année) ou la maîtrise et la beauté de ses images (gracieuseté d’Emmanuel Lubezki, la véritable star ici), le film contient son lot de moments de cinéma inoubliables. Mais sa plus grande qualité tient dans sa capacité à parfaitement nous faire ressentir le calvaire psychologique et physique de son personnage, à saisir sa détresse, son obstination surhumaine à se confronter aux obstacles, au paysage hivernal hostile. Sans aide, sans nourriture, il se terre dans des carcasses d’animaux, se nourrit de la viande crue d’un bison. Abandonné à sa souffrance silencieuse, animé par son instinct de survie et son désir de vengeance, il n’est pas sans rappeler le pourchassé mis en scène par Jerzy Skolimowski dans son obsédant Essential Killing, film axé exclusivement sur la fuite de son personnage, (quasi) exempt de dialogues, et avec lequel The revenant peine à rivaliser.
S’étirant dans sa durée, particulièrement dans son dénouement aussi prévisible que risible, le film aurait gagné à être plus resserré, plus travaillé dans son écriture (notamment en ce qui concerne son traitement de la question des Indiens, ou de ses personnages secondaires). On se dit surtout qu’il serait temps qu’Iñárritu s’attaque à des projets plus modestes, qu’il se mette au service de ses personnages et de ses histoires, qu’il redescende à hauteur d’homme, au lieu d’être guidé par son ego de grand cinéaste…. En attendant, reconnaissons-lui tout de même que malgré ses défauts, The Revenant reste une des propositions les plus intéressantes que les studios hollywoodiens nous ont offerts cette année. Et c’est déjà beaucoup !
L'avis de la rédaction :

Sami Gnaba: ***
Jean-Marie Lanlo: ***
Martin Gignac: ****
Sébastien Veilleux: ***
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