16 novembre 2018

★★★½ | Mademoiselle de Joncquières

Réalisé par Emmanuel Mouret | Dans les salles du Québec le (K-Films Amérique)
Avec Mademoiselle de Joncquières, Emmanuel Mouret part sur les traces de Diderot et Melville (le second avait déjà librement adapté le premier dans Les Dames du bois de Boulogne), mais jamais le cinéaste ne semble étouffé par ces prestigieuses références. Son travail d'adaptation est remarquable, avec ce scénario dont la construction intelligente laisse apparaître progressivement la complexité des sentiments et des êtres. Ces derniers sont complexes car jamais ni totalement bons ni franchement mauvais, et Mouret sait jouer avec les caprices de la fatalité, véritable révélateur de la nature humaine. À ce sujet, au-delà de l'écriture admirable, le talent des comédiens (Edouard Baer et Cécile de France) est une autre des grandes qualités du film. Signalons aussi le judicieux choix de Laure Calamy pour incarner un personnage absent de l'oeuvre de Diderot. Cette femme, qui ne prend pas parti, toujours réfléchie, qui refuse la dictature de l'émotion et accepte la complexité des choses, apparaît comme un double du cinéaste et aide le spectateur à prendre de la distance et à avoir une vision plus globale et moins immédiate.
Au niveau de la mise en scène, Mouret semble vouloir s'effacer en utilisant peu de gros plans et un montage discret, comme si la caméra voulait se faire oublier pour laisser toute la place aux dialogues et aux personnages. Le rythme s'en ressent parfois (surtout au début), mais intelligemment, Mouret accélère progressivement l'enchaînement des scènes au moment où les personnages perdent de plus en plus le contrôle sur leurs sentiments et sur leur destiné.
Le cinéaste avait déjà amorcé un petit virage, mais le confirme: au lieu de s'enfermer dans un style (la comédie romantico-burlesque), il prend le risque de créer en sortant de sa zone de confort. Et il le fait décidément très bien!
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