6 juin 2019

★★★ | La femme de mon frère

Réalisé par Monia Chokri | Dans les salles du Québec le 7 juin 2019 (Séville)
Auréolé d’un Prix Coup de cœur du jury de la section «Un Certain Regard» obtenu à Cannes, le premier long métrage réalisé par Monia Chokri arrive dans nos salles. Si quelques tics dolaniens (il est vrai édulcorés) peuvent un peu agacer, et si certains gags (voire quelques scènes) ne sont pas totalement maîtrisés, nous devons reconnaitre que La femme de mon frère possède également de belles qualités.
Le charme n'est pas la moindre de ces qualités. Il  provient en grande partie des comédiens (soutenus par quelques dialogues bien sentis et par une belle galerie de personnages). Certaines s’en sortent bien malgré des rôles ingrats (Anne-Élisabeth Bossé, omniprésente, qui joue à la perfection la trentenaire exaspérante; Evelyne Brochu qui excelle dans le rôle de la beauté froide), mais nous retiendrons surtout les performances du reste de la famille, incarnée par Patrick Hivon (une nouvelle fois irréprochable), Sasson Gabai et Micheline Bernard. Ils permettent tous les trois à leurs personnages respectifs, même dans leurs excès, de constituer le noyau actif d’une cellule familiale tendue, mais paradoxalement presque apaisante grâce à un débordement d’amour jamais destructeur (ce qui permet d'ailleurs à Chokri de prendre le contre-pied du cinéma dolanien). Ici en effet, si la famille est au centre du récit, c’est surtout parce que ses liens sont plus forts que tout (et principalement les liens frères/sœurs) et qu’ils permettent à tous ses membres de s’enrichir mutuellement sans se phagocyter. La manière dont Chokri passe de la comédie pure pour aller vers plus de sobriété à mesure qu'elle développe sa thèse lui permet de gommer progressivement quelques défauts liés à sa maitrise imparfaite du burlesque et représente une belle réussite. Son film se termine d'ailleurs par une scène finale très sobre mais belle, où naviguent dans des barques des « couples » formés (à en croire quelques indices subtils) par des (vrais?) frères et sœurs.
Parmi les autres réussites discrètes, notons également sa vision d'une société québécoise plus métissée que voudrait nous le faire croire le reste de la production locale grand public. L’ascendance tunisienne de Chokri n’y est probablement pas pour rien... mais il faut admettre que ce petit détail fait plaisir à voir (et permet à la réalisatrice de nous glisser au passage une simple et belle scène mettant en vedette des nouveaux arrivants en cours de francisation).
Ce premier long signé Chokri est donc une relative réussite pleine de promesses. Il est également, après Avant qu'on explose, la seconde comédie québécoise de l’année digne d'intérêt. Non seulement, nous sommes peut-être en train de découvrir une cinéaste, mais nous sommes peut-être en train d'assister à l'avènement de la comédie québécoise de qualité. Voilà deux bonnes raisons d'espérer pour l'avenir!
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