19 mars 2021

★★★½ | The Father (Le père)

Réalisation: Florian Zeller | Dans les salles du Québec le 19 mars 2021 (Entract)
Déjà adapté en film par Philippe Le Guay sous le titre Floride, la réputée pièce The Father reçoit un nouveau traitement cinématographique, cette fois par son propre auteur Florian Zeller.
Anthony Hopkins succède au regretté Jean Rochefort et il porte le long métrage sur ses épaules. En homme atteint de démence, le grand acteur livre une performance phénoménale, une de ses plus éclatantes en carrière. Il ne fait qu'un avec ce vieil homme perdu qui tente d'éclairer ce qui devient soudainement ténébreux et le comédien s'investit corps et âme, séance de claquettes comprise.
Afin d'exprimer son état psychologique, Zeller et son coscénariste Christopher Hampton multiplient les fines joutes verbales, superposant allègrement passé et présent comme pouvait le faire Harold Pinter. Le héros perdu ne veut pas quitter son appartement et ce lieu devient la métaphore de ses souvenirs et de ses perceptions. Face à ce qui lui arrive, le cinéphile devra toujours réévaluer ce qu'il voit et entend afin de séparer le vrai du faux, le réel de la chimère, l'hallucination du rêve et du cauchemar. Par exemple, des personnages sont campés par deux interprètes différents (bonjour l'hommage à Bunuel!), rappelant comment la mémoire est loin d'être infaillible.
Ce dispositif des plus intrigants a toutefois tendance à laisser le spectateur en retrait. Ce dernier sera ébahi par l'exercice intellectuel tout en gardant ses distances, ne s'impliquant que tardivement. La réalisation théâtrale peut expliquer ce sentiment, même si Zeller l'agrémente de trouvailles heureuses, utilisant notamment le champ-contrechamp afin d'isoler Hopkins dans sa solitude. Mais lorsque son personnage se trouve en état de détresse et que la musique de Ludovico Einaudi se déclenche, il est plutôt difficile de demeurer indifférent.
Impossible de prévoir le sort que lui accordera l'Académie, alors que The Father a reçu six nominations aux Oscars, dont celle du meilleur film. Hopkins a ses chances, évidemment, tout comme Olivia Colman qui s'avère extrêmement touchante en progéniture dépassée par les événements. Peut-être trop campée dans l'esbroufe cérébrale, l'œuvre ne fait pas toujours le poids face à la compétition, d’autant plus qu'elle arrive après le magistral Amour de Michael Haneke. Malgré tout, le premier long métrage de Florian Zeller se révèle plus que recommandable, seulement pour l'immense brio de sa tête d'affiche.
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