18 février 2022

★★★★ | L’événement

Réalisation: Audrey Diwan | Dans les salles du Québec le 18 février (Maison 4:3)
Avec son second long métrage, la réalisatrice française Audray Diwan adapte Annie Ernaux, remporte un Lion d’or à Venise, et nous livre un film d’une intelligence remarquable.
Pour nous aider à comprendre une jeune étudiante qui désire avorter dans la France de 1963 (où un tel acte est encore interdit), elle prend le parti de se focaliser entièrement sur son personnage (principalement son visage, mais pas uniquement) et laisse aux images toute la place pour exprimer les doutes et les sentiments. Il fallait pour cela pouvoir s’appuyer sur une jeune actrice capable de porter un tel sujet sur ses épaules, et Anamaria Vartolomei fait figure de choix parfait. Entourée d’acteurs plus expérimentés, dont les rôles très secondaires sont cependant essentiels dans le développement de la jeune femme (Pio Marmaï, Sandrine Bonnaire, Anna Mouglalis), elle parvient d’un regard, d’un mouvement, d’une hésitation à nourrir un personnage, mais aussi des craintes, des hésitations, des désirs impossibles à vivre. (Ce dernier aspect est d’ailleurs essentiel. Au-delà de l’avortement, le sujet principal est peut-être surtout l’impossibilité de vivre ses désirs et la quasi-obligation de transformer le moindre acte en action clandestine.)
Mais revenons à la mise en scène (et au scénario) d’Audrey Diwan. Si la cinéaste épure ses dialogues de tout superflu pour se focaliser sur son actrice, elle ne tombe jamais dans le piège du systématisme et fait toujours le bon choix. L’exemple le plus frappant est sa manière de filmer les deux avortements (en filmant uniquement le visage de l’héroïne pour le premier ; en se focalisant sur Mme Rivière, avec l’héroïne en bordure de cadre pour le suivant).
Mais n'allez pas imaginer qu’une telle maîtrise engendre de la froideur. Anamaria Vartolomei (et donc, à travers elle, son personnage) étant au centre du dispositif, il n’en est jamais rien. Le film nous touche et nous émeut, comme le ferait probablement la Anne qu’il fait vivre sous nos yeux : avec réserve, délicatesse, beauté et intelligence.

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