7 octobre 2022

★★★½ | Un autre monde

Réalisation : Stéphane Brizé | Dans les salles du Québec le 7 octobre (Maison 4:3)
Stéphane Brizé nous transporte avec Un autre monde dans le capitalisme des corporations. L’histoire nous présente avec apathie les choix déchirants de Philippe Lemesle (Vincent Lindon) — un chef d’usine français qui a tout du gestionnaire obéissant dont la carrière tourne autour de l’appât du gain et de la vie de famille rangée parfaite — face aux demandes de son siège social américain qui exige de une réduction de 10% des effectifs.
Le film nous offre une vision réaliste de ces grandes entreprises prisonnières de la rentabilité et surtout, de la satisfaction de leurs actionnaires. Mais ici, Brizé amène son personnage principal vers une lente libération. Au tout début du film, la scène de médiation en divorce entre Philippe Lemesle et son épouse nous montre un couple anéanti, dont la dédication au travail a tout détruit. Puis on découvre Philippe dans son quotidien, où la souffrance et l’impuissance à exécuter les ordres de réduction des effectifs prennent toute la place. Face aux silences, aux longues heures de travail à réviser des listes d’employés à éliminer, aux gestes lents lorsqu’il noue ses cravates le matin, on devine une grande résignation. La scène où l’on voit en vidéo-conférence le directeur américain qui, depuis le siège social, parle à ses collaborateurs français semble exagérée mais elle est plus que vraie. Lorsque ce dernier dit « Everything is ruled by Wall Street » c’est alors un leitmotiv qui résonne dans la tête de François. Restera-t-il assujetti à de ce monde inhumain ?
Non. Il arrivera à se libérer grâce aux liens affectifs forts qu’il entretien avec sa femme et ses enfants. On découvre le vrai François. Lorsque dans leur petite voiture stationnée dans un immense parking d’un hypermarché, il la rassure doucement, on devine l’homme derrière le masque qu’il porte. A partir de cette séquence, Stéphane Brizé montre que son personnage puisera dans l’amour qui gravite autour de lui pour contrer les ordres de sa haute direction. Avec courage, dignité et fermeté, ce sera l’individu dans toute son intégrité qui gagnera et non les euros ni le désir d’une carrière aboutie.
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