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8 octobre 2021

★★★½ | No Time to Die (Mourir peut attendre)

★★★½ | No Time to Die (Mourir peut attendre)

Réalisation: Cary Joji Fukunaga | Dans les salles du Québec le 8 octobre 2021 (MGM)

Après le décevant Spectre sorti en 2015, Daniel Craig termine en beauté sa pentalogie sous les traits du célèbre agent 007 dans ce nouvel opus, le 25e de la franchise du personnage de fiction créé en 1953 par Ian Fleming et dont les exploits cinématographiques ont débuté il y a près 50 ans en 1962 avec Dr. No.
Sous la direction de Cary Joji Fukunaga (Beasts of No Nation), No Time to Die est un film plein de surprises qui ose s’aventurer dans des recoins personnels, dramatiques et sentimentaux. Avec l’assurance qu’on lui connaît, Craig incarne à nouveau un Bond fragile qui ne maîtrise pas toujours ses émotions. Un personnage souvent tourmenté, replié sur lui-même, qui se sent plus préoccupé par ses problèmes passés et personnels que par la lutte contre les ennemis du monde libre. À cet effet, sa relation avec le personnage de Léa Seydoux (qui incarne à nouveau la psychologue Madeleine déjà présente dans Spectre) prend une certaine ampleur et ajoute un arc émotionnel qui fonctionne à différents degrés et constitue un des points forts du film.
Autre aspect intéressant: l’atmosphère crépusculaire, accentuée par la lumière de Linus Sandgren (La La Land), présente tout au long du film, qui contribue à faire de ce dernier opus l’épisode le plus sombre à ce jour. Mais nous sommes tout de même dans un film de James Bond et qui dit James Bond dit film d’action. Le film regorge donc de fusillades et de poursuites pour la plupart filmées de façon relativement efficace, mais parfois redondante. D’une durée de 163 minutes  le plus long de la série  le film souffre aussi de quelques longueurs et d’un méchant peu mémorable (Rami Malek, peu inspiré, qui incarne un agent de guerre biologique menaçant le monde entier).
Malgré ces bémols, No Time to Die est un Bond de très bonne facture, un des meilleurs de la série, qui est surtout rehaussé par un dernier tiers fort en émotions qui nous en dit plus sur l'interchangeabilité que n'importe quel James Bond auparavant.

30 juillet 2021

★★★½ | The Green Knight (Le chevalier vert)

★★★½ | The Green Knight (Le chevalier vert)

Réalisateur: David Lowery | Dans les salles du Québec le 30 juillet 2021 (Entract Films)

Depuis le très beau Ain't Them Bodies Saints, David Lowery ne cesse de nous surprendre, tout en s’affirmant comme un des cinéastes les plus passionnants du cinéma américain actuel. Responsable d’un film de fantôme à mettre au sommet du panthéon du cinéma d’auteur américain de ces dernières années (A Ghost Story), d’un film Disney pour les enfants (mais pas que : Pete’s Dragon), d’un polar pour les aînés (mais pas que : The Old Man and the Gun), il explore cette fois l’univers de la Table ronde avec The Green Knight. Ce film de chevalerie, très lent et beaucoup plus auteurisant que grand public, est à classer parmi ses réussites. Modérons cependant d’emblée notre propos! Même si Lowery prend à nouveau plaisir à jouer avec la dilatation du temps, cette réussite n’est pas aussi exemplaire que dans A Ghost Story. Un démarrage un peu poussif nuit en effet à notre adhésion, et lorsque le voyage vers l’antre de ce mystérieux chevalier vert débute, le spectateur risque d’avoir un peu commencé à décrocher. Heureusement, notre chevalier prend son temps et les scènes s’étirent, ce qui nous permet rapidement de le rattraper. Comme Lowery maîtrise son art, on prend finalement un réel plaisir à le suivre. Il faut dire qu’une ambiance dont le cinéaste a le secret flotte en permanence et finit par nous fasciner. Comme son héros, nous sommes ballottés entre le vrai et le faux, les vivants et les fantômes, les leurres, les angoisses et les illusions. La musique envoûtante de Daniel Hart (un habitué du cinéma de Lowery) et la photos sombre et brumeuse de Andrew Droz Palermo (lui aussi fidèle collaborateur du cinéaste) font le reste.
La scène faussement finale, où tout s’accélère, qui représente l’antithèse de ce que nous avons vu jusque-là, nous subjugue probablement autant pour la rupture de rythme qu’elle représente que pour ces qualités intrinsèques… avant qu’une fin très différente nous rappelle que Lowery peut aussi boucler son film de manière très convenue. Certes, cela est dans l’esprit de ce récit arthurien, mais on peut aussi le voir comme une transition vers le prochain film du réalisateur, qui va bientôt mettre sa casquette de cinéaste grand public et Disney-compatible avec Peter Pan & Wendy, actuellement en post-production!
(Et du coup… on a très hâte de voir un Peter Pan! Décidemment, ce Lowery est capable de l’impossible!)

18 juin 2021

★★★ | Censor

★★★ | Censor

Réalisation : Prano Bailey-Bond | Dans les salles et en VOD au Québec à partir du 17 juin 2021 (Métropole Films)
Censor, premier film très prometteur de la réalisatrice galloise Prano Bailey-Bond, est un film d’horreur psychologique qui se penche sur le phénomène des video nasty, ces films d’horreur à petit budget diffusés en vidéo et qui faisaient se déchaîner les bien-pensants de tout poil dans la Grande-Bretagne thatchérienne des années quatre-vingt.
On l’aura compris, avec un tel point de départ, il y a beaucoup à dire et à filmer, ce que fait avec plaisir et talent Bailey-Bond. De l’arrière-plan politique à la réflexion sur la violence au cinéma (rôle de la censure, incidence sur les spectateurs), en passant par un hommage visuel aux films de l’époque, Bailey-Bond installe de nombreux sujets avec une certaine assurance. Malheureusement, après cette mise en place plutôt maîtrisée, le déploiement des enjeux dramatiques et la conclusion sont beaucoup moins convaincants. Prise entre le désir de psychologisation (le rapport entre la vie et les films, la résurgence d’un traumatisme passé) et celui d’assumer les excès visuels inhérents aux films qu’elle aime tant, la cinéaste peine à convaincre et finit par s’embourber un peu dans son envie de faire un cinéma aussi riche thématiquement que visuellement.
Le résultat reste toutefois suffisamment compétent pour être plaisant, malgré la tournure maladroite que prend le film. Surtout, comme nous l’affirmions plus haut, Censor est plein de promesses, et nous avons hâte de découvrir la prochaine œuvre de la réalisatrice, une fois passée cette (compréhensible) envie de vouloir mettre beaucoup (et surtout trop) dans un premier film.

19 mars 2021

★★★½ | The Father (Le père)

★★★½ | The Father (Le père)

Réalisation: Florian Zeller | Dans les salles du Québec le 19 mars 2021 (Entract)
Déjà adapté en film par Philippe Le Guay sous le titre Floride, la réputée pièce The Father reçoit un nouveau traitement cinématographique, cette fois par son propre auteur Florian Zeller.
Anthony Hopkins succède au regretté Jean Rochefort et il porte le long métrage sur ses épaules. En homme atteint de démence, le grand acteur livre une performance phénoménale, une de ses plus éclatantes en carrière. Il ne fait qu'un avec ce vieil homme perdu qui tente d'éclairer ce qui devient soudainement ténébreux et le comédien s'investit corps et âme, séance de claquettes comprise.
Afin d'exprimer son état psychologique, Zeller et son coscénariste Christopher Hampton multiplient les fines joutes verbales, superposant allègrement passé et présent comme pouvait le faire Harold Pinter. Le héros perdu ne veut pas quitter son appartement et ce lieu devient la métaphore de ses souvenirs et de ses perceptions. Face à ce qui lui arrive, le cinéphile devra toujours réévaluer ce qu'il voit et entend afin de séparer le vrai du faux, le réel de la chimère, l'hallucination du rêve et du cauchemar. Par exemple, des personnages sont campés par deux interprètes différents (bonjour l'hommage à Bunuel!), rappelant comment la mémoire est loin d'être infaillible.
Ce dispositif des plus intrigants a toutefois tendance à laisser le spectateur en retrait. Ce dernier sera ébahi par l'exercice intellectuel tout en gardant ses distances, ne s'impliquant que tardivement. La réalisation théâtrale peut expliquer ce sentiment, même si Zeller l'agrémente de trouvailles heureuses, utilisant notamment le champ-contrechamp afin d'isoler Hopkins dans sa solitude. Mais lorsque son personnage se trouve en état de détresse et que la musique de Ludovico Einaudi se déclenche, il est plutôt difficile de demeurer indifférent.
Impossible de prévoir le sort que lui accordera l'Académie, alors que The Father a reçu six nominations aux Oscars, dont celle du meilleur film. Hopkins a ses chances, évidemment, tout comme Olivia Colman qui s'avère extrêmement touchante en progéniture dépassée par les événements. Peut-être trop campée dans l'esbroufe cérébrale, l'œuvre ne fait pas toujours le poids face à la compétition, d’autant plus qu'elle arrive après le magistral Amour de Michael Haneke. Malgré tout, le premier long métrage de Florian Zeller se révèle plus que recommandable, seulement pour l'immense brio de sa tête d'affiche.

20 février 2021

★★¾ | I Care a Lot (Une action particulière)

★★¾ | I Care a Lot (Une action particulière)

Réalisation : J Blakeson | Disponible en VSD au Québec depuis le 19 février 2021
I Care a Lot, qui hésite constamment entre thriller et comédie noire, n'est pas passé loin d'être le petit film à voir bien au chaud dans le confort de son salon en attendant la prochaine (et probablement très provisoire) réouverture de nos salles de cinéma.
D’abord, le sujet n’est pas inintéressant. Certes, il s'agit d'une énième réflexion sur notre société qui nous oblige à choisir entre être loup ou mouton, mais le film de J Blakeson pousse certains éléments un peu plus loin que d'habitude. Non seulement les proies de la protagoniste sont des personnes âgées, donc particulièrement vulnérables, mais en plus, la manière dont le film introduit un parallèle entre l'entrepreneuse à succès et le mafieux est assez réussie. D'abord opposés en tout point, les deux personnages deviennent de plus en plus proches (ambitieux, ne renonçant jamais, plus forts après chaque nouvelle déconvenue, prêts à tout pour sauver ceux qu’ils aiment... et surtout, habités par une ambition hors norme et ne renonçant devant aucune opportunité). Seule une différence les sépare: l'un agit dans le secret de l'illégalité, alors que l'autre prend des allures d'exemple aux yeux d'un monde en quête aveugle et permanente de modèles de réussites. Autre point fort: Rosamund Pike, une nouvelle fois impeccable, parvient à apporter régulièrement des nuances à son personnage de manière impressionnante. Malheureusement, le reste ne suit pas. Non seulement le scenario est beaucoup plus simpliste que l'aurait exigé le sujet abordé, mais la mise en scène ne fait qu'accentuer cette faiblesse. Nous imaginons constamment ce que le film aurait pu être sous la direction d'un cinéaste de talent, mais devrons nous contenter d'un film paresseux, sans vrai cynisme, sans rythme et noyé par la musique redondante de Marc Canham.
Certes, les éléments positifs mentionnés plus haut suffiront à rendre le visionnement agréable. Mais cette critique prétendument acerbe sur l'ambition et la course au succès aurait mérité un meilleur sort. L'excellente prestation de Rosamund Pike, justement nommée aux prochains Golden Globes, également!