4 octobre 2018

★★ | A Star is Born

★★ | A Star is Born

Réalisé par Bradley Cooper | Dans les salles du Québec le 5 octobre 2018 (Warner Bros)
Pour son premier long métrage de fiction, Bradley Cooper s’attaque à un classique du cinéma américain. Suivant les traces de ses prédécesseurs (William A.Wellman en 1934, George Cuckor en 1954, et Frank Pierson en 1979), le film de Cooper relate l’histoire d’Ally (Lady Gaga), une jeune artiste pleine d’ambition qui croise la route de Jackson (Bradley Cooper), un chanteur établi mais désabusé. Le désir de création d’Ally sera confronté aux problèmes de consommation de son mentor et amoureux. Sans surprise, le récit nous expose à l’univers souvent superficiel du milieu artistique où chacun tente de réussir tout en conservant une certaine part d’originalité.
Au départ, le réalisateur (également coscénariste) nous présente son étoile Ally comme étant une tête forte, indépendante, qui n’a pas sa langue dans sa poche. Sa rencontre avec Jackson Maine (Cooper) viendra tout chambouler. Ally se transformera graduellement en une femme soumise aux désirs (et aux démons intérieurs) de son compagnon. Le problème ne vient pas du fait qu’elle évacue toute sa personnalité, mais plutôt que ce changement de caractère n’est jamais reconnu ouvertement dans le scénario (ce qui aurait amené un travail d’introspection). On ne peut que se désoler devant cette double descente aux enfers. Celle de Jackson qui est hanté par une enfance douloureuse et d’Ally (plus subtile) qui devient malgré elle un objet de marketing pour sa maison de disques.
S’il s’en tire bien au niveau de la forme, Cooper aurait gagné à peaufiner le scénario afin d’approfondir ses personnages principaux et d’insuffler plus de substance à ses personnages secondaires. Dès les premières notes, on ressent l’ampleur du talent de Lady Gaga. On assiste aux meilleurs moments du film lorsqu’elle est sur la scène et qu’elle interprète ses chansons. À tout moment, on s’attend à retrouver la promesse du début et enfin assister à la naissance de cette étoile qui n’aura jamais vraiment lieu.

21 septembre 2018

★★★ | La disparition des lucioles

★★★ | La disparition des lucioles

Réalisé par Sébastien Pilote | Dans les salles du Québec le 21 septembre 2018 (Les films Séville)
Sacré meilleur film canadien lors de la dernière édition du festival de Toronto, le troisième long métrage du réalisateur Sébastien Pilote (Le vendeur, Le démantèlement) est une ode au caractère tragi-comique de l’adolescence. Tout comme dans ses films précédents, le réalisateur continue son étude des questions humaines. On retrouve donc un personnage à la croisée des chemins, celui de Léo (Karelle Tremblay), sur le point de terminer ses études secondaires. Selon les membres de son entourage, c’est le moment de penser à l’avenir et de décider de ce qu’elle fera de sa vie.
Au lieu de nous présenter un personnage introverti dont les émotions seraient à décoder par le spectateur, Pilote choisit la voie de la rébellion. Son personnage principal prend la décision de ne pas se laisser immobiliser par la pression de sa famille ou de ses pairs (qu’elle confronte allègrement sur la question). Sans réelle certitude quant à sa destinée, Léo est toutefois ferme dans ses opinions. Confrontée également à des relations familiales tendues, elle aborde tous ces aspects de vie avec sérieux (sans se prendre au sérieux). Calqué sur le caractère de son héroïne, le film est nourri de situations et de dialogues pince-sans-rire.
La mise en scène est solidifiée par une direction photographique et un montage en phase avec le personnage de Léo. Dans le rôle principal, Karelle Tremblay se démarque de l’excellente distribution. Au final, La disparition des lucioles est une œuvre qui revendique la possibilité d’avoir son propre rythme de vie, libre des conventions sociales. Le film nous rappelle notre droit de forger notre avenir comme on le veut, sans avoir toutes les réponses à l’avance.

17 septembre 2018

FCVQ 2018 | The Green Fog

FCVQ 2018 | The Green Fog

Un film de Guy Maddin, Evan Johnson et Galen Johnson
Hier soir, le Festival de cinéma de la ville de Québec continuait à témoigner de son éclectisme en projetant The Green Fog, qui faisait passer le reste de la filmographie de Guy Maddin pour du cinéma mainstream.
À partir d’extraits de centaines de films ou séries se déroulant à San Francisco, Maddin et ses acolytes recréent à leur façon le Vertigo d’Alfred Hitchcock (film qu’il faut avoir déjà vu avant de visionner The Green Fog, sous peine d’être totalement perdu). Le résultat laisse des sentiments multiples et contradictoires, un peu à l’image du film lui-même, qui nous pousse par moments à nous remémorer le film qui lui sert de point de départ, mais qui nous perd également parfois avec des choix abscons. C’est justement un des points forts du film: montrer à quels points les traces que peut laisser une oeuvre dans l’imaginaire peut être différent d’une personne à l'autre. Ainsi, nous cherchons parfois en vain à retrouver le fantôme de certaines scènes de Vertigo. Inversement, à d'autres moments, nous ne comprenons pas les orientations que prend la relecture Maddinienne.
Finalement, avec The Green Fog, Vertigo change de statut, et passe de l’état de film à celui de somme de souvenirs personnels. En invitant les spectateurs à voir leur film, les cinéastes leur proposent de partir à la recherche d’un film parfait (Vertigo), fantasmé, qu’ils essaieront de retrouver malgré une forme différente. Ce n’est pas tant The Green Fog qui est une réinterprétation de Vertigo, mais  plutôt l’expérience de visionnement elle-même qui met le spectateur à la place de Scottie / James Stewart essayant de recréer la femme qu’il a jadis aimée.
Si cet aspect peut paraître le plus intéressant (et troublant) du film, il n’est pas le seul. The Green Fog comporte de surcroît quelques éléments qui pourront également faire réagir ceux qui n’ont jamais vu Vertigo. Là encore, la forme choisie, proche du patchwork a priori brouillon, laissera à chacun la liberté de s’interroger sur tel ou tel aspect, véritables points de départ à une réflexion sur le langage cinématographique. En ce qui nous concerne, nous retiendrons particulièrement l’importance de la musique (signée Jacob Garchik et qui revisite à merveille celle de Bernard Herrmann) utilisée comme lien entre des plans hétéroclites, et véritable fil conducteur permettant au spectateur de ne pas décrocher d’un développement narratif chaotique.
D’autres éléments sont tout aussi passionnants (les scènes de dialogues dans lesquelles les cinéastes ont justement coupé les dialogues, pour ne conserver que les mimiques ponctuant habituellement les conversations), mais il y en a beaucoup d’autres… à découvrir au fil des visionnements. À condition d’avoir la force (ou le courage... il en faut quand même un peu) de se replonger dans ce bien étrange brouillard vert peuplé des fantômes parfois fugaces de nos souvenirs cinéphiles!

15 septembre 2018

FCVQ 2018 | Ciné-concert | Metropolis

FCVQ 2018 | Ciné-concert | Metropolis

Un film de Fritz Lang | Musique de Gabriel Thibaudeau
En 2010, le festival Fantasia offrait aux spectateurs Montréalais la chance de découvrir une version restaurée du Metropolis de Fritz Lang comportant 25 minutes d’images que l’on croyait perdues à tout jamais, le tout mis en musique par Gabriel Thibaudeau.
Hier soir, le FCVQ donnait la chance aux spectateurs de Québec d’assister à la projection de la même version, accompagnée de la même trame sonore, mais cette fois interprétée par l’Orchestre symphonique de Québec, toujours dirigé par le compositeur lui-même.
D’un point de vue purement cinématographique, cette version de 2010 est une pure merveille. Certes, on peut toujours émettre les mêmes réserves à l’encontre du scénario de Thea von Harbou. Cela a déjà été fait à plusieurs reprises, et nous ne reviendrons pas sur ce point, le génie de la mise en scène de Lang (et la prestation hallucinante / hallucinée de Brigitte Helm) les atténuant grandement. Par contre, les 25 minutes supplémentaires représentent un apport artistique considérable. Non seulement de nouveaux enchaînements améliorent la structure de l’ensemble et rendent le film plus fluide, mais surtout, les nombreux plans supplémentaires ajoutés à la séquence de la fuite des enfants donne encore plus de force à cette partie du film, qui était déjà la plus impressionnante.
Pour sa part, la composition de Thibaudeau est remarquable. Assumant les ruptures de ton langiennes, les oppositions franches (noir et bas / blanc et haut pour Lang, cuivres et orgue / cordes et clavecin pour le compositeur) et capable de suivre le cinéaste dans la dernière partie ressemblant à une course folle qui laisse le spectateur hors d’haleine, Thibaudeau nous offre une prestation qui sublime le film sans jamais tenter de lui faire de l’ombre. C'est donc tout le contraire de l’horrible version mise en musique par Giorgio Moroder dans les années 80, quelques mois après la sortie de Flashdance... que le FCVQ nous proposait également hier soir, à la même heure, en plein air et à seulement à quelques mètre de là. Était-ce un clin d’œil des programmateurs du festival ou un pur hasard? Nous ne le saurons jamais, mais une chose est sûre: nous les remercions de ne pas avoir poussé leur goût du fun et du festif jusqu’à nous offrir le mauvais accompagnement musical pour Metropolis! Le kitsch des années 80 est amusant, mais à petite dose seulement!

13 septembre 2018

★★★ | Mandy

★★★ | Mandy

Dans les salles du Québec le septembre  2018
Critique rédigée dans le cadre du festival Fantasia 2018

Dès les premières scènes, Mandy de Panos Cosmatos, plonge le spectateur dans un univers visuel unique et envoûtant. En 1983, Mandy (une interprétation brillante d’Andrea Riseborough) et Red (Nicolas Cage) habitent une maison isolée en pleine forêt. Heureux, ils vivent un amour fusionnel sans se douter que les forces du mal rodent non loin d’eux. Ces moments de leur quotidien sont sans doute les plus intéressants du film. La vie commune du couple nous permet d’entrevoir la profondeur du personnage Mandy. Ses illustrations représentant un monde de science-fiction sont transposées à l’écran de manière inspirée. D’ailleurs, l’aspect visuel du film est l’une de ses plus belles qualités. La photographie ainsi que les effets spéciaux nous rappellent un cinéma d’une époque. De plus, la fascinante trame sonore du compositeur Jóhann Jóhannsson renforce habilement l’atmosphère troublante qui se dévoile lentement. Mais la transition entre la vie paisible et l’histoire de violence qui suivra ne se fera pas sans heurts. Le traitement autour du culte religieux nous laisse sur notre faim. L’introduction trop longue de ses membres ainsi que de leur maître n’apporte rien de plus au scénario si ce n’est que de justifier certaines motivations douteuses. La seconde moitié du film se déroule comme une suite logique d’événements. Red, le cœur brisé et sous le choc, se fait un point d’honneur de venger la mort de sa douce. Il part donc à la chasse contre les hommes (et les femmes) qu’il sait coupables. Aidé d’une formule spéciale de LSD, notre héros sans peur et sans reproches infligera de terribles souffrances à ses opposants. Dans une logique d’œil pour œil, le sang coulera à flots. Tel un tigre sortit de sa cage, Red pourra finalement exprimer sa rage. Les amateurs des films de John Carpenter ou de Walter Hill trouveront leur bonheur. D’ailleurs, de nombreuses références au cinéma des années 70 procurent un charme certain à Mandy.
Cependant, on aurait aimé une certaine prise de risque chez le réalisateur (qui est également coscénariste). Pourquoi ne pas transcender l’hommage et offrir une alternative aux films du genre. Andrea Riseborough est resplendissante dans son interprétation du rôle de Mandy. En quelques scènes, elle parvient à nous démontrer la force intérieure de son personnage. Toutefois, cette force n’est pas traduite en action et Mandy devient rapidement la victime à sauver. Torturée, maltraitée, elle n’est plus maîtresse de sa destinée et sera reléguée au rôle de moteur de vengeance pour le personnage masculin. On se demande comment aurait été le film si le réalisateur avait pris un risque et choisi d’inverser les rôles, avec Mandy en héroïne et non en victime. 
Soyez sans crainte, le film fonctionne tout de même très bien. L’histoire est prenante (surtout le premier tiers), les scènes d’action sont bien chorégraphiées, la trame sonore transporte le spectateur dans un état de transe et visuellement l’ensemble est inspirant. Panos Cosmatos réussi bien son hommage au cinéma, à la musique et à la littérature qui l’ont marqué. Il aurait juste été intéressant de voir Mandy se lancer à la poursuite des responsables de la mort de son amoureux. Ce sera pour une prochaine fois!