30 juillet 2021

★★★½ | The Green Knight (Le chevalier vert)

★★★½ | The Green Knight (Le chevalier vert)

Réalisateur: David Lowery | Dans les salles du Québec le 30 juillet 2021 (Entract Films)

Depuis le très beau Ain't Them Bodies Saints, David Lowery ne cesse de nous surprendre, tout en s’affirmant comme un des cinéastes les plus passionnants du cinéma américain actuel. Responsable d’un film de fantôme à mettre au sommet du panthéon du cinéma d’auteur américain de ces dernières années (A Ghost Story), d’un film Disney pour les enfants (mais pas que : Pete’s Dragon), d’un polar pour les aînés (mais pas que : The Old Man and the Gun), il explore cette fois l’univers de la Table ronde avec The Green Knight. Ce film de chevalerie, très lent et beaucoup plus auteurisant que grand public, est à classer parmi ses réussites. Modérons cependant d’emblée notre propos! Même si Lowery prend à nouveau plaisir à jouer avec la dilatation du temps, cette réussite n’est pas aussi exemplaire que dans A Ghost Story. Un démarrage un peu poussif nuit en effet à notre adhésion, et lorsque le voyage vers l’antre de ce mystérieux chevalier vert débute, le spectateur risque d’avoir un peu commencé à décrocher. Heureusement, notre chevalier prend son temps et les scènes s’étirent, ce qui nous permet rapidement de le rattraper. Comme Lowery maîtrise son art, on prend finalement un réel plaisir à le suivre. Il faut dire qu’une ambiance dont le cinéaste a le secret flotte en permanence et finit par nous fasciner. Comme son héros, nous sommes ballottés entre le vrai et le faux, les vivants et les fantômes, les leurres, les angoisses et les illusions. La musique envoûtante de Daniel Hart (un habitué du cinéma de Lowery) et la photos sombre et brumeuse de Andrew Droz Palermo (lui aussi fidèle collaborateur du cinéaste) font le reste.
La scène faussement finale, où tout s’accélère, qui représente l’antithèse de ce que nous avons vu jusque-là, nous subjugue probablement autant pour la rupture de rythme qu’elle représente que pour ces qualités intrinsèques… avant qu’une fin très différente nous rappelle que Lowery peut aussi boucler son film de manière très convenue. Certes, cela est dans l’esprit de ce récit arthurien, mais on peut aussi le voir comme une transition vers le prochain film du réalisateur, qui va bientôt mettre sa casquette de cinéaste grand public et Disney-compatible avec Peter Pan & Wendy, actuellement en post-production!
(Et du coup… on a très hâte de voir un Peter Pan! Décidemment, ce Lowery est capable de l’impossible!)

23 juillet 2021

★½ | Old (Anormal)

★½ | Old (Anormal)

Réalisateur : M. Night Shyamalan | Dans les salles du Québec le 23 juillet 2021 (Universal)

M. Night Shyamalan
, réalisateur capable (rarement) du meilleur comme (souvent) du pire, nous revient avec une adaptation très colorée d’un roman graphique en noir et blanc.
Il commence en donnant satisfaction par sa capacité à aller à l’essentiel. En quelques plans, il nous présente les membres d’une famille, un lieu de rêve où ils viennent passer leurs vacances, un personnel hôtelier trop serviable pour être honnête et un petit garçon dont on comprend très vite qu’il aura un rôle à jouer quand on ne le verra plus.
Une fois tout ce petit monde présenté, le cinéaste nous fait vite entrer dans le vif du sujet : une plage bien mystérieuse qui provoque un vieillissement ultrarapide, et dont on ne peut plus sortir. C’est là que les choses se compliquent. Visiblement empêtré dans son huis clos en plein air, il peine à restituer les interactions des différents personnages dans cet espace limité. Il essaie alors comme il peut de détourner notre attention avec ses effets de caméra, parfois relativement réussis, mais principalement aussi vains que superflus. Pendant une heure Old fait cependant illusion, peut-être en raison de la sobriété scénaristique, inhabituelle chez le cinéaste. Malheureusement, par la suite, lorsque le film doit passer à la vitesse supérieure (la résolution du mystère, mais également la réflexion sur le vieillissement, la dégradation du corps et le temps qui passe toujours trop vite), plus rien ne fonctionne. La mise en scène devient ridicule, les développements narratifs sont d’une affligeante bêtise et les réels sujets sont traités si naïvement qu’il eut été préférable qu’ils ne le fussent point du tout.
Après avoir platement diverti pendant une heure, Old passe totalement à côté de l’ambition de son projet pour le traiter avec un mélange de naïveté et de superficialité. En apparence plus sobre, Old est finalement aussi prétentieux et loupé qu’un ratage comme After Earth… Autant dire qu’on ne vous le conseille pas!

16 juillet 2021

★★★¼ | Pig

★★★¼ | Pig

Réalisation: Michael Sarnoski | Dans les salles du Québec le 16 juillet 2021 (Entract)
À l’occasion des 15 premières minutes de Pig, Michael Sarnoski installe son film avec une grande efficacité : en quelques plans et en peu de mots, il nous présente son personnage (son rapport au monde, le poids d’un passé que l’on imagine lourd) tout en rendant hommage à la nature grâce à une bande-son soignée et à la superbe photo de Patrick Scola.
Nous pensons avoir mis les pieds dans un film contemplatif, mais pourtant, il aborde vite un virage vers le thriller, en quittant une forêt sauvage pour se diriger vers des bas-fonds urbains qui, l’espère le héros, lui permettront de retrouver son cochon volé ! Une nouvelle fois, le réalisateur témoigne du même talent dans la restitution des lieux, des ambiances, et surtout dans cette capacité à faire avancer un récit en peu de mots.
Mais la piste du thriller était à nouveau fausse, et la quête du porcin truffier nous entraîne encore ailleurs. Malheureusement, malgré le talent de Michael Sarnoski, sa volonté trop systématique de jouer au plus malin finit par se transformer en procédé... et à force de vouloir aller où il ne semble pas devoir, le film finit par devenir paradoxalement de plus en plus convenu.
Nous excuserons cependant ces réserves scénaristiques car indéniablement Sarnoski ose prendre des risques, mais surtout il possède un réel talent de cinéaste !
Alors oui, il faut voir Pig, cette improbable histoire d’un homme qui se lance à la recherche de son cochon volé... En plus, cela nous permettra de voir un grand Nicolas Cage. L'acteur nous  rappelle en effet que s’il est (vraiment trop) souvent capable du pire, il nous offre régulièrement des prestations de grande classe. À ce titre, Pig est indubitablement à ranger aux côtés de Joe ou Mandy, pour ne citer que ses réussites les plus récentes !

9 juillet 2021

★★★ | Mandibules

★★★ | Mandibules

Réalisateur: Quentin Dupieux | Dans les salles du Québec le 9 juillet 2021 (Axia Films)
Quentin Dupieux nous offre un film sans véritable drame, presque sans histoire, où deux amis avancent au gré du vent ou de la route dans le but d’accomplir une mystérieuse quête. Sans artifices, nous suivons donc deux hommes qui semblent en apparence être des simples d’esprit. Accompagnés de leur animal de compagnie, une mouche géante qu’ils tenteront de dresser, ils se retrouveront plongés dans des situations aussi banales qu’insolites. Le réalisateur de Au poste signe à nouveau une œuvre à l’humour absurde. Une fois que l’on accepte la logique non rationnelle et quelque peu douteuse des personnages principaux, on passe assurément un bon moment de cinéma. L'interprétation du duo de comédiens David Marsais et Grégoire Ludig y est pour beaucoup. Ils embrassent complétement l’univers décalé du réalisateur.
On pourra d’ailleurs souligner l’hilarante performance d’Adèle Exarchopoulos qui s’époumone avec passion. Au final, Mandibules n’est probablement pas une œuvre qui marquera l’histoire du cinéma. Dupieux ne prétend pas résoudre de grands questionnements existentiels ou de nous révéler les mystères de la condition humaine. Cependant, le film s’inscrit avec cohérence dans le parcours d’un cinéaste hors du commun qui a su créer à travers chaque film de grands moments de cinéma.

2 juillet 2021

★★★ | Zola

★★★ | Zola

Réalisation: Janicza Bravo | Dans les salles du Québec le 30 juin 2021

Zola est adaptée de l'histoire vraie de A’Ziah King (connue sous le pseudonyme de Zola), initialement diffusée sous forme de tweets. Nous y retrouvons donc une serveuse qui se laisse embarquer dans un raod-trip de strip-teaseuse se transformant bien vite en plongée au cœur de la prostitution. Ce qui pourrait être le portrait d’une Amérique des laissés pour compte et de la violence est traité avec une légèreté et un humour omniprésent que vient renforcer le son des petits gazouillis des notifications Twitter que reçoit l'héroïne au cours de son aventure. Cette envie de légèreté et de superficialité colle parfaitement avec les origines twitteriennes de cette histoire... mais elle est aussi sa limite. Jamais en effet le spectateur n'est invité à comprendre ses personnages et à vivre cette histoire à leurs côtés. Là encore, il s'agit peut-être de l’illustration de ce que représente Twitter et de la distance inévitable qui existe entre une star des médias sociaux et ses followers, mais cela nuit malgré tout au film. Avouons-le, cette faiblesse est renforcée par la comparaison possible avec d'autres films assez proches sur bien des aspects, et beaucoup plus réussis (nous pensons particulièrement à Spring Breakers ou à American Honey, qui étaient beaucoup plus maîtrisés et nous entraînaient de manière impressionnante aux côtés des protagonistes et de leurs illusions).
Toutefois, si nous regrettons cet aspect (qui est cependant, répétons-nous, tout à fait justifiable), nous conseillons le visionnement de Zola en raison des belles qualités dont regorge le film. Parmi elles, soulignons une bande son impeccable (et nous ne parlons ici pas uniquement de la musique), un cadre très soigné, un sens du rythme évident et un beau duo d'actrices (Taylour Paige et Riley Keough). Vivement le second long métrage de Janicza Bravo!

25 juin 2021

★★★½ | Adieu les cons

★★★½ | Adieu les cons

Réalisation: Albert Dupontel | Dans les salles du Québec le 25 juin 2021 (AZ Films)
Après avoir manqué son suicide par arme à feu et provoqué une panique générale dans son service, l’employé d’une administration se fait kidnapper par une coiffeuse atteinte d’une maladie incurable. Aidés par un archiviste aveugle, ils partent à la recherche de l’enfant abandonné par la femme vingt ans plus tôt.
Ce résumé succinct confirme que Dupontel reste fidèle à ses thématiques sombres traitées par l’absurde. Ce sentiment est renforcé par une mise en scène qui assume ses excès cartoonesques et par des détails scénaristiques dignes d’un mélo désespéré. Une touche de burlesque poétique mieux maitrisée aurait probablement pu servir de liant et renforcer la qualité du film, mais l’ensemble fonctionne cependant plutôt bien. 
Au-delà de la réussite intrinsèque du film, ce qui est le plus impressionnant est probablement la capacité de Dupontel à se construire une œuvre d’un comique désespéré personnel et original, qui parvient cependant à toucher un public très large malgré ses prises de risque. En ce sens, la fin (qui fait toutefois penser à bien des égards à celle du Chobizenesse de Jean Yanne) semble en contradiction totale avec ce que devrait nous proposer une comédie populaire française... et pourtant, elle n’a pas empêché le public de suivre.
De film en film, Dupontel, qui nous avait ravis avec Au revoir là-haut, nous confirme que la prise de risque peut payer. Rien que pour ça, le cinéaste, à défaut d’être le meilleur, fait partie des réalisateurs indispensables dans la cinématographie française actuelle.