1 mars 2013

Finissant(e)s ***

Film vu dans le cadre des RVCQ 2013

Les finissant(e)s de l’école polyvalente de la petite ville de Dégelis passent un dernier été ensemble avant de partir pour Rimouski, Québec ou Montréal.

Réalisateur: Rafaël Ouellet | Dans les salles du Québec le 1er mars (Estfilmindustri)

Avec ce film tourné en 2009, Rafaël Ouellet retrouve comme dans New Denmark le village de Dégelis et ses ados (dont Carla Turcotte, qu’il filme avec un plaisir probable et un talent évident). Après l’excellent Camion, le réalisateur semble revenir ici à ce qu’il appelle ses “films laboratoires", dont il nous a parlé en ces termes l’an dernier (lire l’entrevue qu’il nous a accordée au moment de la sortie de Camion): “J’explorais le medium, le cinéma, mais j’explorais aussi la psyché des femmes et mes capacités à scénariser de la fiction”. Avec Finissant(e)s, nous sommes en plein dans cette définition. “L’exploration du medium” passe une fois de plus par un travail sur l’image (l’ensemble est inégal, mais certains plans sont très beaux), “la psyché des femmes” (en l'occurrence des jeunes femmes) passe par le personnage / la personne de Carla Turcotte et “les capacités à scénariser” passent par le mélange du documentaire et de la fiction. Dès le départ (et fort honnêtement) Ouellet nous injecte une dose de fiction dans ce qui ressemble à un documentaire, en filmant la mort. Le procédé n’est pas sans rappeler celui utilisé par Denis Côté dans Les États nordiques (sur lequel Rafaël Ouellet a d’ailleurs été monteur), mais il y a tout de même une différence de taille. Denis Coté parvenait par la suite à rendre poreuses les frontières séparant la fiction du documentaire, ce qui permettait au film de former un tout cohérent. Au contraire, avec Finissant(e)s, la fiction semble prendre le documentaire dans une tenaille mortelle (la fiction, associée à la mort, intervient au début et à la fin du film). Ainsi, la partie documentaire (les interrogations de la jeunesse sur son avenir) voit sa portée sociologique étouffée sans que ce sacrifice vienne pour autant alimenter ou donner la moindre force à la fiction. Plus étrange encore, nous sommes complètement indifférents au sort du personnage principal. Clara Turcotte (par ailleurs irréprochable) n’est en effet ni une personne (le documentaire) ni une actrice incarnant un personnage (la fiction), ni un savant mélange des deux. Au lieu de s’additionner, le documentaire et la fiction semblent s’annuler et donnent à Clara Turcotte des allures de personnage dont le devenir nous importe peu!
Et si l'intérêt du film était ailleurs? Si, avec ce film, Rafaël Ouellet était tout simplement poussé par le désir de filmer un corps et un visage prodigieusement cinégénique (Carla Turcotte bien sûr!)? Si le besoin de créer un documentaire dans le documentaire (Carla Turcotte filmée par un de ses camarades) ou celui de le recouvrir d’une couche de fiction n’était qu’un moyen de brouiller les pistes?
Ce qui pourrait être la faiblesse du film (le sujet apparent n’est que survolé) est pourtant paradoxalement sa force. Si nous considérons Finissant(e)s comme une docufiction comme les autres, il n’est pas vraiment réussi. Par contre, si on le considère comme un “film laboratoire” destiné à nous faire réfléchir sur les raisons qui peuvent pousser à faire un film (et sur le processus de création, du désir initial au produit fini), il devient passionnant. C’est probablement (aussi) parce qu'il ose nous proposer de tels films que nous aimons Rafaël Ouellet!
Lire l'entrevue que Rafaël Ouellet nous a accordé pour Finissant(e)s
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