Luke (Ryan Gosling), un cascadeur à moto de fêtes foraines, découvre que Romina (Eva Mendes), une ancienne aventure, lui a donné un fils. Il décide alors de mettre fin à sa carrière itinérante pour subvenir aux besoins de son enfant. Pour y parvenir, il commet une série de braquages mais croisera sur son chemin un jeune policier ambitieux (Bradley Cooper).
Réalisateur: Derek Cianfrance | Dans les salles du Québec le 12 avril 2013 (Les Films Séville)
Dès les premières images, Derek Cianfrance filme un Ryan Gosling presque animal. Son personnage parle peu, agit à l’instinct et se déplace comme un grand fauve. Pour le suivre, la caméra est très mobile, toujours à l'affût, et parvient à restituer à merveille la personnalité du héros. Pourtant, alors qu’il maîtrise parfaitement son sujet, Derek Cianfrance nous réserve une pirouette narrative, change de personnage principal et fort logiquement, opte pour un style moins tendu. Cette prise de risque (qui n’est pas la dernière) conduit à une petite baisse de régime, et le segment mené par Bradley Cooper (pourtant convaincant) est de loin le plus faible. Pourtant, même s’il pose des problèmes de rythme, il trouve son utilité et permet à Derek Cianfrance de développer avec succès le thème qui l'intéresse ici: les relations père / fils.
Sans l’aborder de manière trop insistante et en l'intégrant toujours parfaitement à son récit, le réalisateur observe la mécanique de la relation sans l’idéaliser et en insistant aussi bien sur l’importance de la présence de la figure paternelle que sur les liens du sang. Fort logiquement, comme l’enfant devenu adulte se sent plus proche d’un père naturel qu’il ne connait pas mais qui devient source de fantasme et d’idéalisation, Derek Cianfrance accorde au beau-père (Mahershala Ali) un rôle de figuration tout en parvenant à rendre évidente son importance (c’est lui qui contribue à faire de l’enfant qu’il a élevé un jeune adulte respectable... bien plus qu’un père trop absent en raison de son ambition).
Il ne faudrait pas croire pour autant que The Place Beyond the Pines est un film à thèse indigeste. La force de Derek Cianfrance est en effet de faire toujours passer les personnages avant son ambition thématique, et ce sont eux qui portent aussi bien l’histoire que la réflexion sur la paternité. De plus, comme dans Blue Valentine, le réalisateur sait s’appuyer sur un casting irréprochable (Eva Mendes, sans fard, est magnifique)
Une fois de plus, le réalisateur ne passe pas à côté de toutes les difficultés qu’il a placées sur sa route (la gestion des trois histoires ne se fait pas sans heurts) mais il possède indéniablement un grand talent. The Place Beyond the Pines nous confirme ce que Blue Valentine nous avait laissé envisager: Derek Cianfrance nous livrera probablement un jour un très grand film!