25 juillet 2014

Boyhood (Jeunesse) ***

Film vu dans le cadre du festival Fantasia 2014

De 6 à 18 ans, Mason (Ellar Coltrane) grandit au côté de sa mère (Patricia Arquette), de sa sœur (Lorelei Linklater), et à distance d’un père (Ethan Hawke) qu’il ne voit qu’épisodiquement.

Réalisateur: Richard Linklater | Dans les salles du Québec le 25 juillet 2014 (Métropole)

À la base, Boyhood représente une prise de risque importante: étaler le tournage d’un long métrage sur une période de 13 ans. En agissant ainsi, Richard Linklater confirme après la série des Before son intérêt pour le temps qui passe. Il choisit ici un autre angle, mais continue à documenter le passage du temps en prenant toujours appui sur des personnages fictifs. Le premier constat est une évidence: il est passionnant de voir dans un même film de fiction l'évolution physique réelle de plusieurs personnages à travers le temps. Mieux que n'importe quel maquillage ou effet spécial numérique, le procédé d'enregistrement brut du temps qui passe a un impact troublant qui donne au film un réalisme touchant.
Malheureusement, il possède aussi un effet pervers. Plus que des personnages qui grandissent sous nos yeux, nous voyons surtout les acteurs qui se cachent derrière eux (est-ce le personnage de la mère qui a perdu tout son charme pour devenir une "matante", ou est-ce Patricia Arquette qui l’est réellement devenue?). L’impression de voir plus des acteurs que des personnages finit par faire paraître le procédé utilisé par Linklater comme trop artificiel (la fiction est un artifice, mais l’art du réalisateur devrait être de nous le faire oublier, ce qui n’est pas le cas ici).
Boyhood paie également le prix d'une maîtrise imparfaite de l'art de l'ellipse. L'exemple qui traduit le mieux cette faiblesse est probablement l'illustration des tendances alcooliques des deux conjoints du personnage de Patricia Arquette. Au lieu de faire comprendre discrètement ce qui compose la partie cachée du récit, Linklater nous impose tout. Son ballet de maris toujours montrés un verre à la main en devient risible. Cet exemple n’en est qu’un parmi d’autres et la multiplication de ces petites approximations dans la construction du récit finissent par lui porter préjudice.
Cela est d'autant plus regrettable que Boyhood comporte de grosses qualités: les acteurs sont tous parfaitement bien choisis (ce qui relevait un peu du hasard, surtout en ce qui concerne les enfants); le film, lorsqu'il se fait plus contemplatif, comporte quelques beaux moments; Linklater parvient à nous livrer le beau portrait d'un jeune garçon en train de devenir adulte, mais aussi une réflexion intéressante sur l'évolution cruelle du rôle des parents (la mère idéale est destinée à voir son rôle devenir de moins en moins important, alors que le père immature va naturellement devenir de plus en plus proche de ses enfants au fur et à mesure qu’ ils vont vieillir).
Malgré ses faiblesses, Boyhood représente donc au final une expérience de cinéma à la fois troublante et agréable. Cela en fera-t-il pour autant un film marquant pour ses qualités intrinsèques ou ne restera-t-il dans l'histoire du cinéma que pour son aspect expérimental? Nous penchons pour la deuxième hypothèse.
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