11 mars 2016

Cinémathèque québécoise: La désintégration ***½

(Réalisé par Philippe Faucon | À la cinémathèque québécoise du 11 au 20 mars 2016)

Nommé pour le Prix Louis-Deluc en 2012 mais malheureusement jamais distribué au Québec, La désintégration (qui a pour sujet la radicalisation soudaine de jeunes désœuvrés) profite d'un élément heureux (le César du meilleur film pour Fatima) et d'autres beaucoup plus dramatiques (les attentats qui ont endeuillés la France en 2015) pour être projeté à Montréal durant toute une semaine.
La force du travail du cinéaste est de montrer avec ce film le sentiment de fatalité qui se met à prendre le dessus sur la raison à partir du moment où des jeunes en proie au doute rencontrent la mauvaise personne (un homme charismatique, calme, éduqué, a priori apaisé... au service d'un islamisme radical). Si la chute dans le radicalisme et dans l’action terroriste est traitée de manière un peu rapide, le vent de fatalité que Faucon est parvenu à insuffler à son film la rend cependant toujours crédible.
Nous aurions certes apprécié que le réalisateur consacre plus de temps à la description de cette embrigadement, mais nous comprenons sa volonté pédagogique (probablement à l’origine du développement d’autres éléments du récit). Pour éviter les amalgames et les raccourcis, il multiplie alors les passages (et les personnages) obligés: une mère très pratiquante prônant un Islam de tolérance (au même titre que l'imam de la mosquée, accusé par le recruteur d'être au service de sa société d'accueil), un frère vivant avec une Française de souche, une sœur refusant de porter le voile, une école faisant ce qu'elle peut... mais aussi un milieu du travail faisant preuve de ségrégation et un jeune Français converti prêt à mourir pour sa nouvelle cause.
Cette volonté de faire de chaque personnage un représentant de la manière de vivre l’Islam en France aurait pu faire de La désintégration un film trop sommairement démonstratif. Fort heureusement, la mise en scène remarquable de Philippe Faucon atténue cette faiblesse en raison de sa capacité à cerner avec acuité l’essentiel des situations (de surcroît interprétées par des acteurs tous irréprochables).
En mettant son talent de cinéaste au service d’une volonté didactique, Philippe Faucon nous livre un film essentiel malgré quelques facilités. Avec le recul, celles-ci nous semblent d'ailleurs bien dérisoires à côté du caractère tristement visionnaire de La désintégration!

Texte remis à jour à partir de celui publié à l'occasion d'une projection / débat avec le réalisateur organisée au Cinéma du Parc en février 2015.
L'avis de la rédaction :

Jean-Marie Lanlo: ***½
Martin Gignac: ***½
Sami Gnaba: ***½
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