6 mars 2015

A Girl Walks Home Alone At Night ****

Dans la ville iranienne de Bad City, à la nuit tombée, une mystérieuse vampire en tchador erre à la recherche d’hommes qui deviendront ses proies. À moins que...

Réalisatrice: Ana Lily Amirpour | Dans les salles du Québec le 6 mars 2015 (VSC)

A Girl Walks Home Alone At Night est un film de contraste. Il est américain, mais on y parle persan... et la ville imaginaire iranienne de Bad City a été créée de toute pièce dans le désert californien. Ce n’est pas tout: si la langue et les personnages semblent venir d’Iran, l’univers américain est largement assumé via de multiples références qui se chevauchent. Il n’est donc pas impossible de s’attendre à voir James Dean faire une apparition dans une scène aux allures de western (ou de film de vampire). Cette sensation d’être un peu partout et nulle part (mais également d’être aujourd’hui et hier) aurait pu fragiliser le film, mais il conserve pourtant une grande cohérence. Pour y parvenir, Ana Lily Amirpour a su s’appuyer sur un travail sonore (sons ambiants, bruitages, musique) et graphique (un beau noir et blanc très contrasté au format scope bien maîtrisé) remarquables. Cette réussite formelle lui a permis d'engendrer un univers nocturne et mystérieux où tout devient possible. C’est également grâce à elle que les personnages (pourtant assez peu définis) prennent corps avec une telle force qu’ils gagnent vite une attitude, des émotion, et surtout une véracité. Alors que le style très affirmé pourrait étouffer les personnages, c’est en réalité lui qui les nourrit et leur permet d’exister.
Le film aurait pu ressembler à un exercice de style indigeste, froid et prétentieux. Il en agacera peut-être d’ailleurs certains. D'autres y verrons au contraire (c’est notre cas) un premier film qui a tout du coup de maître.
Après une telle réussite, Ana Lily Amirpour sera attendue au tournant pour son prochain film et devra confirmer son talent sans se laisser enfermer dans un système. Sera-t-elle à la hauteur? Il n’est pas encore temps de répondre à cette question... ni même de la poser! Pour l’instant, ne gâchons pas notre plaisir et délectons-nous de ces plans parfois sublimes, de ces ambiances envoûtantes et de ce mélange délicatement dosé de poésie macabre, d’humour et de sensualité.
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