8 mai 2015

Amour fou ***½

Un poète qui ne veut pas mourir seul demande à des femmes de son entourage de l’accompagner dans la mort.

Réalisateur : Jessica Hausner | Dans les salles du Québec le 8 mai 2015 (EyeSteelFilm)

Le poète Heinrich von Kleist s’est suicidé en 1811. Que s’est-il passé dans les derniers mois, semaines et jours de sa vie? C’est à cette question que tente de répondre la cinéaste Jessica Hausner (Lourdes) avec son très particulier Amour fou. L’idée n’est pas nouvelle (c’était le point de départ du classique français Mayerling dans les années 30), mais le traitement est ici fulgurant.
À l’aide d’une mise en scène parfaitement millimétrée qui rappelle le cinéma d’Ozu, la réalisatrice multiplie les plans fixes qui sont de toute beauté. Le soin accordé aux costumes, aux décors et à la photographie est époustouflant, enchantant aisément la rétine. Le rendu, volontairement théâtral, semble constamment étouffer les personnages au même titre que les répliques artificielles qui sont teintées de la véritable prose de Kleist.
Le romantisme de l’époque est pour sa part mis à mal. C’est en effet plutôt un souffle glacé qui se fait ressentir. Le suicide n’est plus décrit comme un acte héroïque, mais comme une tragédie absurde. Un sentiment qui est décuplé par l’humour sec et ironique qui ponctue le récit, transformant l’ensemble en fine comédie noire.
Bien sûr, il faut jouer le jeu pour ne pas être largué au bout de dix minutes. Le long métrage est statique et répétitif, utilisant l’ennui pour mettre une pression supplémentaire sur les âmes désincarnées qui sont défendues par des comédiens talentueux. Rien ne semble dépasser : ni émotion, ni souffle. Pourtant, en prenant son mal en patience, on découvre toute la finesse, la singularité et l’étrangeté de cette courtepointe qui ne manque pas d’obséder.
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