24 juillet 2015

The Look of Silence ***

En 1965, durant la dictature militaire au nord Sumatra, un génocide de masse a été perpétré envers toute personne inculpée d’être communiste. En moins d’un an, plus d’un million de personnes sont exécutées et les meurtriers considérés comme des héros nationaux dirigent le gouvernement actuel.

Réalisation: Joshua Oppenheimer | Dans les salles du Québec le 24 juillet 2015 (Eyesteelfilm)

Dans l’effrayant et controversé The act of Killing, Joshua Oppenheimer proposait aux bourreaux de mettre en scène leurs massacres lors d’un tournage de film de genre, afin de nous révéler des atrocités bien réelles. Dans ce second volet, il donne la parole aux victimes.
Adi Rukun est un ophtalmologue de campagne dont le frère a été sauvagement assassiné deux ans avant sa naissance. Accompagné du cinéaste, il rencontre à l’improviste plusieurs tortionnaires afin de s’occuper de leurs problèmes de vision et par la même occasion de les confronter à celle qu’ils ont de leur passé.
Si le talent de cinéaste et de chef opérateur d'Oppenheimer est indéniable, les méthodes documentaires qu’il utilise restent contestables, alors qu'il sait pourtant que parler du passé est un sujet tabou suscitant la peur des représailles. 
Il abuse également d'un travail de conditionnement de ses locuteurs particulièrement dérangeant. En voici quelques exemples: avant de confronter Adi aux meurtriers de son frère, il lui fait visionner des entrevues où ces mêmes hommes décrivent les tortures que celui-ci a subies; il amène un survivant sur les lieux du massacre auquel il a échappé afin de capter ses impressions; il impose le visionnement de récits de massacres aux enfants d’un tortionnaire afin de les faire réagir sur les horreurs perpétrées par leur père...
The Look of Silence apporte cependant un point de vue complémentaire au documentaire The Act of Killing car il nous dévoile l’intimité et le quotidien d’une famille ayant survécu au massacre. Oppenheimer nous apporte aussi des informations sur les origines du génocide et sur l’implication financière et idéologique des États-Unis à travers des extraits de films de propagande et des entrevues. De plus, il met en lumière un des génocides les plus méconnus de l’histoire du vingtième siècle.
Ces qualités rendent particulièrement regrettable le choix du cinéaste de transgresser une déontologie documentaire afin de concrétiser ses intentions cinématographiques.
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