3 août 2015

Fantasia 2015 : Experimenter ***½

Réalisateur : Michael Almereyda

Nous avons la fâcheuse impression que l’expérience de Stanley Milgram sera toujours d’actualité. À deux pas des théories d’Hannah Arendt, démontrant de façon terrifiante la facilité avec laquelle on peut pousser les humains à accomplir le « mal », l’expérience est accompagnée de son lot de controverses et d’a priori. En s’attaquant au sujet, Michael Almereyda se place foncièrement du côté de son personnage, approuvant son idée et ses techniques, sans nécessairement toutefois l’écarter de la triste réalité qu’il a montrée.
Si Experimenter s’amorce comme un biopic assez classique, le film change rapidement de cap pour interpeller directement le spectateur. Les dialogues adressés à la caméra sont fréquents et l’allure très théâtrale de l’ensemble – que ce soit dans les décors, dans le jeu ou dans le texte – est délibérément présente pour mettre le discours devant le récit. Ce dernier passe par les points marquants de la vie de Milgram, mais le film, plus intéressé par ses idées, l'utilise pour contextualiser les recherches de l’individu. L’objectif est de forcer le spectateur à réfléchir sur l’expérience elle-même, sur comment il aurait vécu celle-ci et sur ce qu’elle nous apprend. De plus, en s’attardant sur la vie de Milgram, Almereyda inclut le psychologue dans le processus de pensée qu’il a initié, déjouant du coup ses plus grands critiques qui le qualifiaient de manipulateur.
Malgré le questionnement que le film instille, le cinéaste aurait eu avantage à laisser parler son œuvre d’elle-même. Plusieurs des discours adressés au spectateur sont nécessaires, mais ils se font tout de même trop présents. Almereyda, pour autant qu’il fasse confiance à son sujet, ne semble pas toujours avoir la même estime face à son public. Il tient ce dernier par la main, lui expliquant constamment les idées de Milgram et comment celles-ci devraient pousser les gens à s’interroger sur eux-mêmes. C’est un défaut regrettable mais, au moins, le film a la décence de ne pas donner son ultime réponse. Depuis l’expérience, l’essence du questionnement n’a malheureusement pas grandement changé. Experimenter, avec succès, ne fait que le remettre au goût du jour.
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