4 août 2015

Fantasia 2015: Tag (Riaru onigokko) ****

Réalisateur: Sion Sono

Avec Tag, troisième film de Sion Sono présenté à Fantasia cette année, le réalisateur frappe fort d’emblée: un mystérieux vent meurtrier coupe longitudinalement en deux un bus et toutes les écolières qui s'y trouvent... à l'exception de l'héroïne qui s' était baissée pour ramasser un stylo. Elle cherche alors à fuir au milieu du carnage et court sans s’arrêter, mais ceux qu'elle croisent se font aussi couper en deux.
Le ton est donné: Tag nous propose du gore trop excessif pour être inquiétant, une logique qui n'obéit qu'à elle-même et une course perpétuelle vers on ne sait trop quoi (un ailleurs, un but, sa survie?). Tout le film sera ainsi fait sans baisse de rythme, avec en prime, pour ajouter à l'absurde de la situation, une héroïne qui change de visage et d'identité après avoir échappé à un danger majeur.
Cependant, à force de nous montrer la course perpétuelle d’une héroïne dans un monde qui n’a plus aucun sens, l'amusement gore laisse de plus en plus la place à une impression de malaise: tout ce qu'entreprend la jeune femme est vain, chaque fuite finissant forcément par un carnage dont elle, seule survivante, échappera en rencontrant une personne et en changeant malgré elle d’identité et d’apparence.
En faisant de sa protagoniste un personnage de jeu vidéo (qui peut changer d'aspect et d’identité malgré elle et qui a pour seul but sa survie à travers quelques passages imposés), Sion Sono nous tend en réalité un miroir sur nos vie. Mais son constat est terrible. Le seul moyen d’échapper à un destin qu'on a tracé pour nous (l'école, le mariage, la course au succès) est de faire un geste fort et imprévu, qui ne peut être pour lui que le suicide.
Le paradis blanc final, très beau dernier plan du film, nous donnerait presque envie de l'écouter pour nous sentir enfin libérés d’une société oppressante. Pourtant, les qualité visuelles innombrables et le fourmillement d'idées qui peuplent ces 85 minutes magnifiques nous incitent au contraire à aller à l'encontre de la vision du réalisateur. Ils nous donnent en effet envie de continuer à vivre en espérant croiser sur notre chemin d'autres divertissements aussi drôles, beaux, poétiques et finalement graves que ce Tag, véritable petit bijou du fun dépressif!
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