6 novembre 2016

Cinemania 2016: Les premiers, les derniers ***½

(Réalisateur: Bouli Lanners)

Avec son quatrième long métrage de fiction, Bouli Lanners reste en partie dans la continuité des Géants. Nous retrouvons en effet ici son goût pour l’errance, pour les êtres vulnérables livrés à eux-mêmes ou pour la transposition en Europe d'une certaine idée de l'Amérique.
Malgré ces constantes, il effectue toutefois quelques changements. Si les paysages évoquent encore l’Amérique, il ne s'agit plus de celle de Tom Sayer, mais plutôt des grandes plaines désolées des westerns. Cependant, malgré la présence d’un personnage nommé Cochise (Albert Dupontel), il n’y a pas de place pour les Apaches (à moins qu’il s’agisse de l’Apache dans le sens de «personne vivant en dehors de la société»). De plus, les chemins de fer associés à la conquête de l’Ouest laissent ici la place à un vieux monorail désaffecté au milieu d’une morne Beauce française. L’Amérique est toujours présente, mais elle se fait plus lointaine. Lanners s’éloigne d’ailleurs aussi du conte un peu manichéen des Géants, qui évoquait parfois maladroitement The Night of the Hunter, pour s’approcher d’un univers plus mystique. Ce n’est pas un hasard si le titre est une référence explicite à l'Évangile selon Matthieu et si un personnage du film se nomme Jésus (Philippe Rebbot)... et n'en a d’ailleurs pas que le nom (il va jouer le rôle de berger aidant une brebis égarée à retrouver sa voie).
En s’appuyant sur un minimum de dialogues, quelques beaux personnages un peu paumés et des paysages austères sublimés par la photo de Jean-Paul de Zaetijd (qui a travaillé sur tous les longs de Lanners), le réalisateur belge nous offre au final un film très optimiste, un véritable message de foi envers l'humanité malgré son ton globalement sombre. Certes, l’humanité n’est pas intégralement bonne et le monde est dépeint comme étant à la fois menaçant et inquiétant, mais l’esprit d'entraide et la bonté des gens croisés par hasard peuvent permettre à chacun de devenir meilleur.
Avec ce film à l’optimisme crépusculaire, Bouli Lanners signe donc une belle réussite. Le petit problème de rythme que l’on peut ressentir dans la première partie (le passage d'un groupe de personnages à un autre est parfois un peu laborieux) est d’ailleurs vite oublié.
Nous aimions déjà Lanners acteur. Nous apprécions décidément le cinéaste de plus en plus!
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