29 mai 2020

★★★½ | Jeanne

Réalisation : Bruno Dumont | En VSD au Québec à partir du 29 mai 2020 (Cinéma moderne)
Après Ma loute, ses Petits Quinquin et une Jeanette très décalée, Bruno Dumont est de retour à un cinéma plus austère, mais qui symbolise presque en lui-même l’art du grand écart que le réalisateur semble de plus en plus apprécier. D’un côté : certains acteurs totalement perdus face à des enjeux et des textes qu’ils semblent ne pas comprendre. De l’autre, des parenthèses qui touchent au sublime (l’apparition de Christophe, qui met en musique un texte de Peguy; les regards silencieux et habités de la petite Lise Leplat Prudhomme; un ballet équestre magnifique). Entre les deux, il y a un peu tout et n’importe quoi: des bunkers allemands transformés en prisons anglaises; des réunions surréalistes sur les dunes; un Nicolas l'oiseleur (Fabien Fenet) dont les gesticulations et les tics sont d’un burlesque irrésistible; une chef de guerre de 18 ans incarnée par une enfant de 10.
L’ensemble aurait pu ressembler à un grand n’importe quoi, mais la force de Dumont est de parvenir à lier le tout. Pour cela, il a recours à un sens du cadre impressionnant d’un bout à l’autre, à une superbe photo signée David Chambille et à la musique envoûtante de Christophe.
Et la magie opère : ces trois éléments parviennent à donner une unité à ce qui aurait pu ressembler à un fourre-tout hétéroclite. Le sublime et le vulgaire se mélangent; la maîtrise répond à l’amateurisme; les opposés forment un tout pour ressembler à un dialogue de sourds qui a des résonances avec la situation de cette pauvre Jeanne, guidée par une force supérieure qui la rend totalement imperméable à la logique (et à la bassesse) des hommes.
En nous offrant Jeanne, Dumont nous parle du monde qui nous entoure. La médiocrité est partout. La beauté aussi… encore faut-il pouvoir la voir. Et si la première était indispensable à l’appréciation de la seconde?
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