7 février 2022

★★★★ | Drive My Car (Conduis mon char)

Réalisation: Ryûsuke Hamaguchi | Dans les salles du Québec le 7 février (EyeSteelFilm)
Après une nouvelle interruption pandémique, le film le plus attendu depuis le dernier Festival de Cannes arrive dans les salles du Québec… et nous ne le cacherons pas: Courez-y!
Les quarante premières minutes, très charnelles, ressemblent à une longue mise en contexte prégénérique. Lorsque le titre apparaît à l’écran de manière tardive, Hamaguchi nous entraîne dans le vif du sujet (qu'on se rassure, il reste encore 2 heures 20 de métrage). Le film se fait alors plus froid, les corps plus distants, les dialogues plus étirés, les personnages plus nombreux, avec cependant toujours comme double point de fixation le héros du film et la pièce qu'il met en scène (Oncle Vania), déjà présents en première partie. Commence alors une réflexion judicieusement diffuse sur (principalement) les fantômes qui nous hantent, la culpabilité qui nous ronge et le devoir de vivre malgré tout.
La grande force du cinéaste est de ne jamais nous imposer son point de vue, mais de nous accompagner auprès de ses personnages, de nous laisser le temps de les connaître, d’appréhender leurs expériences, de les comprendre. Les dialogues sont parfois interrompus de longs silences, que l’intensité d’un regard ou la composition d’un plan rendent encore plus beaux, plus touchants, plus riches. Ainsi, progressivement, les personnages et les enjeux s’étoffent et le film devient de la manière la plus naturelle qui soit de plus en plus poignant. Cette sensation culmine avec l'utilisation de la dernière réplique de Oncle Vania, qui devient également la dernière réplique du film, interprétée dans la pièce mise en scène par le héros en une langue des signes revisitée et fusionnelle (superbement mise en scène par Hamaguchi). La pièce de Tchekhov ayant été omniprésente durant tout le film, on aurait presque aimé que Drive My Car s'achève ainsi.
Mais cela aurait été trop simple. Certes, plus aucune ligne de dialogue ne viendra s'ajouter à celle de Tchekhov, mais le cinéaste préfère quitter la scène du théâtre et ajouter en conclusion quelques secondes qui pourrait sembler anodines. Mais ces derniers instants de vie sont bien ceux d’un bonheur possible. Un bonheur infime, presque insignifiant, mais possible… ici, et maintenant !
Ce dernier choix, en apparence aussi simple que le reste du film, était bien évidemment le bon!
Bravo, et merci.
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