3 juin 2022

★★★½ | Crimes of the Future (Les crimes du futur)

Réalisation: David Cronenberg | Dans les salles du Québec le 3 juin 2022 (MK2 - Mile End)
Huit ans après Maps to the Stars, le plus célèbre des réalisateurs canadiens contemporains sort de sa «retraite» et livre avec Crimes of the Future un film phare qui lui permet de revisiter ses nombreux thèmes de prédilections, dont celui du corps en constante mutation et évolution ainsi que la sexualité déviante qui en découle. Malgré son titre homonyme et un décor rétro futuriste, cette nouvelle incursion dans le futur n’a pratiquement rien à voir avec un des premiers films du cinéaste tourné en 1970, et c’est tant mieux puisque ce premier essai brouillon était loin d’être convaincant. Les admirateurs du réalisateur seront enjoués et se plairont à décortiquer cette nouvelle incursion dans le monde du body horror où on peut s’amuser à faire un parallèle avec de nombreuses œuvres antérieures. Et par extension, Crimes of the Future se laisse voir comme une excroissance transhumaniste de Videodrome alors qu’ici la télévision et le cinéma sont remplacés par l’art contemporain. Le né pour une nouvelle chair devient ainsi le corps est une réalité et la chirurgie est la nouvelle sexualité.
Tourné à Athènes dans des décors naturels et industriels qui évoquent un monde en pleine décrépitude, l’action de Crimes of the Future se déroule dans un futur rapproché et fourmille d'idées et réflexions sur notre société actuelle. Une vision amère et apocalyptique où l’humain cherche par extension à assouvir sa sexualité et où le corps, en constante évolution imprévisible dépasse les capacités intellectuelles et les intentions de l’humain. À l’aube d’être octogénaire, Cronenberg démontre à nouveau qu’il n’a pas perdu de sa superbe et est encore capable de mettre en scène des images qui provoquent un certain inconfort chez le spectateur. Moins rythmé et plus bavard et théorique, on retrouve derrière ce constat sur l’évolution humaine une fragilité palpable qui empêche le film de sombrer dans une froideur impénétrable. Cette horreur intérieure est incarnée à merveille à l’écran par l’acteur fétiche de Cronenberg et son double imagé Viggo Mortensen. Ce dernier est parfait en artiste conceptuel maladif cherchant à conserver une parcelle d’humanité et préserver son intégrité tout en poussant son art dans les plus grands replis de la chair.
SHARE