1 juillet 2022

★★★★ | Les Passagers de la nuit

(Réalisation : Mikhaël Hers | Dans les salles du Québec le 1 juillet 2022 (EyeSteelFilm)
Les passagers de la nuit, quatrième long métrage de Mikhaël Hers, pourrait être le film nostalgique de la France des années 1980, avec ses espoirs politiques, ses promesses footballistiques, ses délices cinéphiles (et cette ressemblance vertigineuse entre Pascale Ogier et Noée Abita). Il aurait pu être un film sur l’enfer de la drogue, sur l’effervescence de l’adolescence, sur une femme abandonnée qui essaie de se reconstruire, sur les relations familiales, sur le départ des enfants devenus adultes, sur ces gens que l’on souhaite mystérieusement aider sans les connaître vraiment, sur le sentiment amoureux (possible ou improbable, apaisant ou douloureux, durable ou passager). Il aurait pu être un film trop artificiellement optimiste, dans lequel les gens sont bons, s’entraident, se font grandir rien que par leur seule présence.
Les passagers de la nuit est presque un peu tout cela, mais Mikhaël Hers a l’intelligence de ne jamais insister sur chacun de ces aspects, de suivre sa trame narrative de loin, sans en avoir l’air, en se préoccupant surtout de ses personnages, de leurs actions les moins ostensiblement signifiantes. Il les aime, les regarde, restitue des milliers de petits riens qui finissent par donner un ensemble troublant et beau comme des vies qui s’épanouissent, qui doutent, qui s’affirment, qui triomphent de la douleur.
Pour y parvenir, il s’appuie sur sa sensibilité, sur sa mise en scène toute en retenue… mais également sur une Charlotte Gainsbourg bouleversante comme jamais. Ses chuchotements et l’impression qu’elle donne de ne jamais être vraiment à sa place n’ont jamais été autant en phase avec un personnage, ne l’ont jamais autant nourri, n’ont jamais été si troublants.
Le personnage de Noée Abita, en parlant des Nuits de la pleine lune, dit que parfois, on ne sait pas vraiment si on aime des films, et qu’on met du temps à les aimer. Les Passagers de la nuit est un peu de ceux-là. Ou plutôt : on l’aime de plus en plus avec le temps. On a envie de penser à nouveau, une heure ou une jour plus tard, à ces petits riens, et on se laisse porter, dans nos souvenirs, par la beauté discrète de ce que le cinéma peut nous donner de plus simple et de plus beau à la fois!
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