9 septembre 2022

★★★★ | Bruno Reidal, confession d'un meurtrier

(Réalisation : Vincent Le Port | Dans les salles du Québec le 9 septembre (Maison 4:3)

Autant l’annoncer d’emblée: le premier long métrage de Vincent Le Port est d'une maîtrise et d'une intelligence impressionnantes.
Nous y suivons le parcours d'un adolescent hanté par le désir de donner la mort sous la forme de confessions qu'il écrit à la demande de ses psychiatres. Le film est dur par son sujet, mais également âpre par sa mise en scène, austère dans sa direction d'acteur et intemporel par son traitement. L’horreur du sujet se suffisant à elle-même, Le Port n’a recours à aucun effet de trop (qu'il soit visuel ou scénaristique). Chaque élément semble être à sa place, durer le temps qu'il faut, pour nous faire suivre la logique du meurtrier, nous faire comprendre sa souffrance et sa maladie. Bien évidemment, le héros est un monstre, et nous le savons tout de suite (même si nous n'apprendrons que plus tard qui il a tué, ce qui le rend encore plus monstrueux). Pourtant, à travers son choix narratif (apprendre à connaître le meurtrier par l'intermédiaire de ses écrits), le cinéaste nous oblige à nous rapprocher de lui. Plus que le parcours d'un meurtrier, c'est donc au parcours d'un enfant de la campagne presque comme les autres auquel nous assistons. Presque, car celui-ci est d’intelligence hors norme, mais est surtout l’esclave permanent de cette pulsion, de plus en plus obsédante, où se côtoient le désir de donner la mort et la jouissance sexuelle. Ce qui devient passionnant est donc cette lutte incessante d’un adolescent brillant pour résister à cette pulsion, cette lutte qui le ronge de l'intérieur, jusqu'au passage à l'acte, terrible, qui fera naître sur son visage habituellement tourmenté deux secondes d'un sourire apaisé qui aurait été le plus beau du monde s'il n'avait pas été lié avec l'acte de mort. Et surtout s'il n'avait pas été suivi d'un état encore pire, lorsque ce bonheur furtif devient sentiment de culpabilité, de honte, qui le pousse à se constituer prisonnier, comme s'il n'était plus possible de vivre face à un tel acte qui le condamne au regret éternel en échange de ces deux secondes de jouissances meurtrières.
Vous l’aurez compris, ce très grand premier film est à déconseiller aux âmes trop sensibles, mais indispensable aux cinéphiles !
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