16 septembre 2022

★★★★ | Serre moi fort

Réalisation: Mathieu Amalric | Le 16 septembre 2022 en exclusivité québécoise au Cinéma Moderne
Mathieu Amalric n'est pas seulement un excellent acteur. Il est en train de devenir un grand cinéaste. Depuis Tournée en 2010, ses réalisations se bonifient constamment, surtout lorsqu’il s'attaque à des institutions comme Simenon (magnifique La chambre bleue) et l'auteure de la chanson culte « L'aigle noir » (sublime Barbara).
Avec sa nouvelle création Serre moi fort, il adapte la pièce Je reviens de loin de Claudine Galéra, qui ne paie peut-être pas de mine sur papier : une femme (Vicky Krieps) abandonne son foyer en laissant ses deux enfants à son époux. Mais à l'écran, le résultat est tout simplement magistral.
Le récit qui semble se dérouler en ligne droite ne cesse de se dérober, mélangeant passé, présent, fantasmes, rêves et lubies à l'aide d'un montage vertigineux aux ellipses sidérantes. Un peu plus et l'ombre d'Alain Resnais de la grande époque (celles des années soixante) se ferait ressentir dans cette façon de jouer avec le temps et les souvenirs.
Ce procédé pourrait paraître radical et intellectuel, mais le réalisateur insuffle une bonne dose de sentiments, explorant les parts d'ombre de la psyché humaine. Tout d'un coup, le cinéphile se retrouve devant un mélo à la Douglas Sirk avec ces thèmes sensibles et délicats qui vont droit au cœur. Un équilibre entre la raison et l'émotion qui n'est pas évident à atteindre et qu'Amalric semble réussir les doigts dans le nez.
Le tout n'aurait cependant pas la même portée sans la prestation inoubliable de Vicky Krieps. Celle qui s'est fait connaître par le sublime Phantom Thread de Paul Thomas Anderson et qui n'a pratiquement plus déçu par la suite (sa forte présence dans Bergman Island de Mia Hansen-Love faisait oublier celle, plus que discutable, au sein du Old de M. Night Shyamalan) offre un nouveau jeu vigoureux, d'une subtilité à toute épreuve. Elle maîtrise l'ambiguïté mieux que quiconque, créant un attachement presque immédiat envers son personnage complexe et insaisissable.
Alors que les excellents films français distribués au Québec ne manquent depuis le début de 2022 (pensons seulement à L'événement, Les passagers de la nuit et, plus récemment, Bruno Reidal), il faudra maintenant rajouter Serre moi fort à cette liste sélecte qui risque fort de se retrouver dans notre palmarès de fin d'année.
SHARE